Compte pour adulte : tout l’or du monde
Il y a fort longtemps Hector Pailleur, un de mes ancêtres oriégeois, s’était procuré – on ne sait de quelle manière – des pièces d’or représentant, au total, un kilo (1000 g) d’or fin.
Sur la base de cet or, il eut l’idée d’accorder des prêts moyennant un taux d’intérêt de 5 pour cent l’an. Au bout d’un an, Hector Pailleur avait en sa possession 1000 + (1000 x 0,05) = 1000 (1+0,05) = 1050 grammes d’or qu’il prêta à nouveau l’année suivante, à la fin de laquelle, il se retrouva avec 1050 + (1050 x 0,05) = 1050 (1+0,05) = [1000 (1+0,05)] (1+0,05) = 1000 (1+0,05)² = 1102,5 grammes d’or. Etc.
Les descendants d’Hector continuèrent le « business », moins pénible que le labour, et qui s’apparentait à une poule aux œufs d’or.
Aujourd’hui, 386 ans plus tard, au bout de 19 générations, la descendance est en possession de 150 000 tonnes d’or, c’est-à-dire le montant total extrait de la terre depuis le début : (1000 (1+0,05)386 = 150 000 000 000 grammes - environ).
Voilà un vrai miracle, mieux que la multiplication des pains ! Les 150 000 tonnes d’or représentent en fait (moins le kilo de départ) les intérêts cumulés. Intérêts cumulés encaissés par la lignée d’Hector Pailleur et payés par des générations d’emprunteurs.
Le jeu des intérêts cumulés aboutit à concentrer la richesse entre quelques mains. Ce processus s’accélère dans le temps et conduit inévitablement à des inégalités de plus en plus criantes. La monopolisation croissante de la richesse n’est pas durable. Une « redistribution » s’impose à intervalles réguliers quand la situation devient intenable. Les monopoleurs le savent. Ils s’arrangent pour que ladite redistribution soit plus virtuelle que réelle, pour qu’elle ne soit pas durable et qu’elle préserve leurs intérêts futurs.
Quel est l’intérêt des monopoleurs ? Quel est l’intérêt de l’intérêt ? La dette étant, dans une très large mesure, le fruit des intérêts composés, faut-il la payer ? Faut-il la répudier ?
Bernard Conte
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