La
démocratie de connivence et l’anéantissement de la France
Depuis de nombreuses années
notre pays est sous l’emprise d’une pseudo démocratie[1]
caractérisée par un bipartisme de « connivence » (ou de copinage) :
gauche caviar et associés d’un côté, droite molle et associés de l’autre côté. Hormis
le discours, l’alternance entre la « droite » et la
« gauche » ne change rien, ou pas grand-chose, aux politiques
d’inspiration néolibérale mises en œuvre. La démocratie de connivence a conduit
la France sur une trajectoire d’affaiblissement et d’appauvrissement.
La démocratie de connivence
est l’instrument du capitalisme de connivence[2]. Le
capitalisme de connivence instrumentalise la démocratie du même nom pour
obtenir des rentes, synonymes de profits faciles et élevés.
Anesthésiée par la
consommation, les discours politiques et l’action des media, la population prend
progressivement conscience de la stérilité du vote avec l’accentuation de la
crise. Devant l’inutilité avérée de celui-ci, l’abstentionnisme se répand. Néanmoins,
ceux qui, parmi les mécontents, persistent à voter pourraient menacer
l’hégémonie du bipartisme de connivence en apportant leurs suffrages à la
droite « extrême ». Or, ladite droite extrême a été créée par le
système bipartisan pour canaliser les mécontentements et servir d’épouvantail
pour les seconds tours des élections afin que tout puisse continuer comme
avant.
Une des caractéristiques
principales du bipartisme de connivence est sa foi affichée en la croissance
économique censée devoir régler tous les problèmes économiques, financiers et
sociaux sans remettre en cause la structure du système. En effet, si le gâteau
de la richesse nationale s’élargit sans cesse, ils pourront en distribuer à
tout le monde, des grosses parts pour certains et des miettes pour d’autres,
mais c’est le geste qui compte. Ainsi le bipartisme voue un culte à la
croissance.
Depuis la fin des Trente glorieuses, la croissance économique
s’est progressivement réduite jusqu’à ne plus permettre le ruissellement de la « richesse »
jusqu’aux plus bas niveaux de la pyramide sociale. Le défaut de croissance
menace la démocratie de connivence assise sur un système qui distribue des
rentes aux sponsors ainsi qu’à la « clientèle » politique. Ce système
clientéliste est en crise, mais le bipartisme se trouve dans l’impossibilité de
le réformer car cette démarche serait
suicidaire pour les « élites »
au pouvoir. En conséquence, le bipartisme reconduit le système clientéliste
sous une forme « appauvrie[3] »
tout en organisant une fuite en avant dans l’endettement.
L’endettement a des limites
et l’austérité, pour la masse, doit
inéluctablement être intensifiée. En régime démocratique, même délité, des
risques existent de graves troubles sociaux et de prise de pouvoir par des
forces « hors système », c’est-à-dire non instrumentalisées par le
bipartisme de connivence. Dans ces conditions, il convient de réduire ces
risques : (i) en isolant le politique de l’économique et du social et (ii)
en dévoyant la démocratie pour la rendre inopérante par la loi.
Malgré tout si les risques
de déstabilisation perdurent, le capitalisme de connivence a la possibilité de
changer d’instrument de domination : dictature, capitalisme d’État…
Dans ces conditions, quelle
peut être la nature de la réaction des 99% de la population exploités ?
Le bipartisme de connivence paupérise
la France
L’appauvrissement et plus
généralement la baisse relative du bien-être en France se perçoivent à travers
de nombreux indicateurs. Une référence à l’Indice de développement humain
suffit à l’attester.
Le Programme des
Nations-Unies pour le Développement (PNUD) calcule tous les ans, pour de
nombreux pays, un Indice composite du développement humain (IDH) qui prend en
compte la richesse par habitant (le PIB/habitant), l’éducation et la santé
(espérance de vie[4]).
Le PNUD établit ensuite un classement des pays selon la valeur de leur IDH.
En 1995, la France se situait au 2ème rang derrière le
Canada. Par la suite, s'amorce une dégringolade dans le classement. Notre
pays occupait le 12ème rang en 2000, puis le 20ème en
2012[5].
Dans le
rapport de 2015 qui donne les valeurs de l’IDH pour 2014, la France arrive en
22ème position derrière le Royaume-Uni, l’Islande, la Corée du Sud,
Israël, le Luxembourg, le Japon, et la Belgique[6].
Il faut rappeler que la
France est censée être la 5ème ou la 6ème puissance
mondiale, mais selon le cabinet privé britannique Center
for Economics and Business Research, la France, « l'une des économies les moins
performantes des pays occidentaux, gliss[erait] progressivement de la 5ème
à la 13ème place du classement mondial en 2028[7] ».
La dégringolade
permanente dans les divers classements, signe de la Tiers-Mondialisation[8]
de la France, révèle au grand jour la responsabilité des gouvernants qui se
sont succédés à la tête de notre pays depuis des décennies. « La réalité est que
la situation actuelle est l’aboutissement naturel de l’évolution des trois
décennies récentes à laquelle ont participé « droites », « gauches » et
directions syndicales »[9].
Selon le discours
officiel, le bipartisme de connivence sauve peut être la planète avec la COP 21
et la République, comme lors du récent second tour des élections régionales,
mais il enfonce inéluctablement notre pays dans la misère.
Le culte du Cargo comme
panacée à la crise
Nos dirigeants nous disent espérer et attendre la
croissance, panacée susceptible de régler tous les problèmes. Ils pratiquent le
culte de la croissance comme les tribus océaniennes pratiquaient le culte du
cargo.
En effet, pendant la deuxième guerre mondiale, lors
de la campagne du Pacifique, les navires américains apportaient des biens
manufacturés, de la nourriture… dans les îles d’Océanie. Les populations
locales ignoraient tant la provenance que les processus de fabrication desdits
biens, ils leur attribuaient une origine quasi divine.
Quand les américains furent partis, les tribus,
sous la conduite de quelques gourous, mirent sur pied le culte du cargo qui,
grâce à des cérémonies, des prières et toute sorte de rites, devait assurer le
retour des cargos pleins de richesses.
Nos dirigeants agissent de façon similaire avec
la croissance. A l’instar des medias, des économistes apodictiques…, ils célèbrent
la liturgie néolibérale. Sans doute bientôt organiseront-ils des cérémonies,
des rites, des dévotions, des sacrifices, des périodes de jeûne… pour appeler
au retour de la croissance.
En réalité, nos élites nous mentent, les initiés
savent très bien que la croissance significative et durable ne reviendra plus.
C’est la menace principale du système.
La
croissance alimente le clientélisme fondé sur la rente
La croissance économique est
la clé de voute de la démocratie de connivence car elle grossit le gâteau de la
richesse nationale et permet aux politiciens de créer et de distribuer de la
richesse sous forme de rente.
En effet, la démocratie de
connivence se nourrit de la rente. Comme le soutient l’école des choix publics[10], les
politiciens au pouvoir distribuent des rentes à leurs sponsors ainsi qu’à leur
clientèle politique. Les sponsors financent les campagnes électorales,
influencent l’opinion publique, notamment à travers les medias qu’ils
contrôlent, et la clientèle politique apporte son suffrage aux élections. Ce
système peut être qualifié de clientéliste. Tout va pour le mieux lorsque la
croissance économique est de mise car le gâteau de la rente s’élargit sans
cesse et permet globalement de satisfaire les demandes tant des sponsors que
des électeurs. Le système clientéliste est prospère et les inégalités dans la
redistribution des rentes ne suscitent pas trop de vagues conflictuelles du
fait que, peu ou prou, tout le monde en profite.
La surenchère électoraliste
de la démocratie de connivence a conduit à l’élargissement et à
l’approfondissement de la distribution clientéliste de la rente. La
multiplication des agents à la recherche de rente (entreprises, individus,
groupes, communautés…) et l’accroissement de leurs exigences se sont traduits
par une inflation rentière[11] qui
s’est heurtée de front à la baisse de la croissance, puis à la stagnation. La
multiplication des convives et leur appétit démesuré engendrent inévitablement des
tensions lorsque la taille du gâteau à partager ne grossit plus, voire se
réduit.
La survie du système
clientéliste se heurte au défaut de croissance structurel. En effet, les
fluctuations conjoncturelles autour d’une tendance de croissance longue peuvent
être « corrigées » par des politiques de régulation notamment de la
demande (politiques keynésiennes : monétaire, budgétaire, du change). Mais
lorsque la tendance longue se renverse et vire à la stagnation ou à la régression,
le défaut de croissance devient structurel et les politiques de régulation
précédentes se révèlent inopérantes. Le système clientéliste menace de se
gripper et doit se réformer impérativement sous peine d’implosion, à moins que
par miracle, la croissance durable ressuscite.
Dans l’attente du retour de
la croissance, auquel nos dirigeants font semblant de croire, ils reconduisent
le système clientéliste ancien, mais sous une forme appauvrie.
Le clientélisme appauvri,
c’est la distribution de la rente, au volume stagnant ou en baisse du fait de la
crise, selon des règles modifiées. La structure de répartition de la rente doit
évoluer en fonction de multiples contraintes.
Il est impératif de continuer à satisfaire les demandes
croissantes exprimées par les sponsors, maîtres du jeu, car ce sont eux qui détiennent
les finances, les media… gages d’élection ou de réélection pour le bipartisme
de connivence. De façon mathématique, la part du gâteau dévolue aux autres
acteurs sera réduite.
Le rôle de la stratégie
politique du bipartisme de connivence est de gérer la pénurie pour la faire « accepter »
par le plus grand nombre sans trop de remous politiques et sociaux. Lesdits
remous pourraient déboucher sur une remise en cause réelle[13] du système.
En effet, il s’agit d’un ajustement structurel non pas gagnant – gagnant, mais
gagnant – perdant : le surplus de rente perçu par certains
« agents » équivaut à la perte enregistrée par les autres agents.
Certes, il est possible
« d’adoucir » l’ajustement en palliant à crédit, en totalité ou en
partie, la baisse de la rente par des déficits publics et par l’endettement
(État[14],
collectivités territoriales[15],
Sécurité sociale…), mais ce n’est qu’une fuite en avant qui retarde simplement
l’échéance.
De façon inéluctable, la
réduction de la part du gâteau destiné
au plus grand nombre implique la mise en œuvre de politiques d’austérité
que le bipartisme de connivence tente de justifier en faisant appel à des
arguments néolibéraux présentés comme « apolitiques » :
l’efficacité du marché, de la concurrence,… la nécessité d’être compétitifs en
réduisant le coût du travail, en abaissant la fiscalité des grandes entreprises
et en les subventionnant notamment sous prétexte de lutter contre le chômage par
la création d’emplois.
Néanmoins, ce discours
largement relayé par les media n’écarte pas tout danger pour la démocratie de
connivence.
Les
dangers du clientélisme appauvri pour le système
Le
danger est important car « un gouvernement peut difficilement [mettre
en œuvre un programme d’austérité et de casse sociale] contre la volonté de
l’opinion publique dans son ensemble. Il doit se ménager le soutien d’une
partie de l’opinion, au besoin en pénalisant davantage certains groupes. En ce
sens, un programme qui toucherait de façon égale tous les groupes (c’est-à-dire
qui serait neutre du point de vue social) serait plus difficile à appliquer
qu’un programme discriminatoire, faisant supporter l’ajustement à certains
groupes et épargnant les autres pour qu’ils soutiennent le gouvernement[16] ».
Ce constat et ces prescriptions, formulés pour le Tiers-Monde,
s’appliquent aujourd’hui partout en Occident[17]. Selon Christian Morrisson, comme « la plupart des réformes
frappent certains groupes tout en bénéficiant à d’autres, [...] un gouvernement
peut toujours s’appuyer sur la coalition des groupes gagnants contre les
perdants[18] ».
Depuis la crise de 2008, le principal groupe gagnant réunit les sponsors, les
1% pour faire simple.
Même si ce groupe contrôle le personnel politique, possède les moyens
financiers et les medias, il se révèle insuffisamment nombreux pour peser sur
des élections « démocratiques ». De plus, la
crise économique étant aiguë, une bonne partie des complices, plus ou moins
volontaires, du système sera touchée. Il
s’agit d'une part, des chevilles ouvrières : (i) managériales : les financiers,
les ingénieurs, les commerciaux, les publicitaires... qui assurent le
développement du système consumériste et la croissance des profits ; (ii) politiques
: les élus de terrain qui gèrent le clientélisme de façon décentralisée pour la
pérennité du système. Et, d'autre part, les bouffons grassement rémunérés du cirque
médiatique qui vendent «l'opium» au peuple : journalistes (les « nouveaux
chiens de garde »), artistes, sportifs... Les nouveaux exclus (qui se croyaient
à l’abri au bord de leur piscine) déçus pourraient se joindre à d’éventuels
mouvements de masse dénonçant l’austérité et ceux à qui elle profite. Enfin,
avec le durcissement des politiques de rigueur, les
vrais privilégiés, appartenant à l’oligarchie (communautés, confréries, « associations »,
groupements, réseaux au capital social élevé[19]…), ne
pourront demeurer dans l’ombre car les privilèges et les inégalités, devenues trop
criantes, apparaitront au grand jour.
La
paupérisation d’une majorité de la population[20], l’exclusion d’une partie
des auxiliaires du système clientéliste et la mise en lumière des inégalités
résultant de la prédation oligarchique de la richesse de la nation peuvent
conduire à une instabilité politique et sociale susceptible de faire vaciller
le système.
Menacé le système s’adapte par le dévoiement de la démocratie
En
conséquence, la stratégie de prédation en faveur des sponsors doit s’adapter au
contexte du clientélisme appauvri pour l’imposer à la population. Dans le cadre
de la démocratie élective, cette imposition requiert le contournement d’un
éventuel obstacle politique représenté par l’élection et l’arrivée au pouvoir de
forces remettant en cause les politiques néolibérales assurant les privilèges
des sponsors.
Ainsi,
la poursuite de la prédation au profit des sponsors implique de
pérenniser les politiques néolibérales en les rendant incontestables. « Pour
ce faire, il convient de les inscrire dans la loi, et plus précisément dans la
loi fondamentale qu’est la Constitution, pour réduire au maximum la possibilité
de mise en œuvre de projets politiques alternatifs. Il faut réellement en finir
avec le constitutionnalisme social des Trente
glorieuses et passer
définitivement au constitutionnalisme économique qui
enchâsse la « gouvernance » néolibérale dans le droit. Le dispositif
de réduction des degrés de liberté du politique est complété par la mise en
avant d’un système de « soft
law[21] »
comprenant notamment les agences de notation, les institutions financières
internationales… Au total, il s’agit d’enfermer le politique dans le carcan
néolibéral, afin de rendre la démocratie inopérante tout en essayant de
préserver l’illusion populaire de son fonctionnement effectif[22] ».
Il s’agit
ensuite d’altérer la démocratie. Amorcée de longue date, cette dynamique « s’opère
à travers : (i) l’effeuillage du pouvoir de l’État central[23] vers le haut en direction
d’instances supranationales et vers le bas par la décentralisation ; (ii)
la prise en compte d’acteurs dits « apolitiques », complices ou
simplement manipulés[24] ».
Enfin, il
faut assurer la pérennité du bipartisme de connivence par diverses
démarches : favoriser le désintérêt de la population pour la chose
politique, encourager l’abstentionnisme, ne pas reconnaître le vote blanc, refuser
toute élection à la proportionnelle, gérer l’offre politique notamment en sélectionnant
les futurs élus et en instrumentalisant les extrêmes de l’échiquier politique
pour engendrer la peur et promouvoir le vote utile…
Malgré
tout, en cas de crise grave la stratégie de dévoiement de la démocratie a des
chances de s’avérer inefficace et le bon fonctionnement du capitalisme de
connivence peut requérir un régime politique plus fort.
Vers la
dictature : de l’état d’urgence sécuritaire à
l’état d’urgence économique et social
L’imposition de
l’austérité à l’immense majorité de la population peut nécessiter un régime
fort afin de limiter la contestation et d’éventuels troubles sociaux.
L’expérience du
Tiers-Monde l’atteste : « une comparaison pour les pays d’Amérique
latine entre des régimes démocratiques comme la Colombie, l’Équateur, le Pérou,
et des régimes militaires, comme l’Argentine et le Chili, en 1981-82, montre
que les troubles sont plus rares lorsque le régime est militaire [...] La
comparaison entre les deux expériences de l’Argentine sous un régime militaire
(en 1981) et en démocratie (1987) est parlante : le niveau de protestation
a été trois fois plus élevé en 1987 et il y a eu beaucoup plus de
manifestations[25] ». Ainsi, un
régime totalitaire serait idéal pour imposer les réformes.
En France, le
durcissement du régime se dessine avec l’état d’urgence sécuritaire bientôt
gravé dans la Constitution de façon consensuelle par le bipartisme de
connivence[26].
Il pourra ainsi devenir un état « normal » de fonctionnement de la
société. Or, l’état d’urgence
n’est pas essentiellement la déchéance d’une bi-nationalité, il représente
surtout la suppression des droits fondamentaux.
Le volet sécuritaire de l’état d’urgence va accompagner et faciliter la
mise en œuvre de « l’état d’urgence économique » propice « pour
engager de nouveau de grandes réformes[27] ».
En effet, comme l’ajustement vers la mise en place du clientélisme
appauvri a été jugé trop lent, l’état d’urgence multiforme (sécuritaire,
économique et social) va autoriser une grande impulsion dans les réformes d’austérité
sévère pour le grand nombre comme ce fut le cas au Royaume Uni avec Margaret
Thatcher[28].
A l’instar de cette dernière, ils nous diront : « il n’y a pas
d’alternative ».
En interdisant et en sanctionnant toute velléité de contestation, l’état
d’exception va faciliter l’accélération et l’approfondissement de l’ajustement
structurel de la société au bénéfice des sponsors et au détriment de la masse
de la population. A défaut d’évènements chaotiques favorables à sa mise en
œuvre, l’ajustement ne devrait pas débuter avant les élections présidentielles
de 2017. Quel que soit le résultat desdites élections, l’ajustement rapide et
rigoureux sera dans tous les cas mis en œuvre en utilisant l’état d’urgence si
nécessaire. Comme le rappelle Christine Lagarde, directrice générale du FMI,
« la France doit "impérativement"
poursuivre les réformes[29] ».
Le bipartisme de connivence organise la collaboration ainsi que la
division du travail entre ses composantes sous l’égide de ses sponsors.
Dans le contexte de la nouvelle démocratie de connivence aux pouvoirs de
l’État renforcés et aux libertés réduites, que peut faire la majorité de la
population en voie d’asservissement pour réagir ?
Réagir et lutter contre le capitalisme de connivence
L’ennemi immédiat est, sur le plan tactique, la
démocratie de connivence caractérisée par le bipartisme. La lutte doit porter
sur les fondements de ce type de démocratie : changer la Constitution,
élection par tirage au sort, reconnaissance du vote blanc, règles strictes sur
le cumul des mandats, interdictions des navettes privé-politique-haute
administration, etc…
Néanmoins
cette lutte peut se révéler vaine car la démocratie de connivence n’est que
l’instrument du capitalisme de connivence et, ce dernier peut très bien utiliser
d’autres outils d’exploitation. En effet, le capitalisme de connivence recourt
à des régimes dictatoriaux comme celui
de Mohammed Suharto[30] en Indonésie. De même, il
peut se servir de systèmes de capitalisme d’État de type soviétique. Au total,
le capitalisme de connivence s’avère compatible avec diverses formes de régimes
politiques.
Sur le
plan stratégique, l’ennemi principal de l’immense majorité de la population est
le capitalisme de connivence. Il doit être l’objectif central de la lutte
sachant qu’il étend son emprise sur l’ensemble de la planète. Plusieurs
questions se posent alors : faut-il détruire le capitalisme ? Dans
l’affirmative, quels moyens de lutte employer et, en cas de réussite, par quel
système le remplacer ? Dans la négative, est-il possible de dompter le
capitalisme ? Les tentatives de réponse à ces questions feront l’objet de
publications ultérieures.
[1] Bernard Conte, « Le néolibéralisme et l’illusion démocratique », Le Grand Soir,
6 novembre 2011, http://www.legrandsoir.info/le-neoliberalisme-et-l-illusion-democratique.html
[2] Les anglo-saxons le
nomment « crony capitalism », expression créée par les néolibéraux
pour expliquer la crise asiatique de 1998. « Le « capitalisme de connivence », ou le « capitalisme
politique » est le résultat de l'étatisme et d'une forme de corruption des élites : les grandes entreprises, de plus en plus
inefficaces et bureaucratisées, réagissent au libre marché et à la concurrence en se tournant vers le gouvernement pour réclamer davantage de règlementations, de protection,
ce que Bastiat appelait la "recherche de rentes". De même, les
grandes banques brandissent la menace du "risque systémique" pour
exiger un renflouement par l’État ou par la banque centrale suite à leurs
erreurs. »
http://www.wikiberal.org/wiki/Capitalisme_de_connivence
[3] Sur la notion de clientélisme
appauvri : Bernard Conte, « Côte d’Ivoire : clientélisme, ajustement et
conflit », http://conte.u-bordeaux4.fr/Publica/conte_dt101.pdf
[4] L’espérance de vie à la naissance qui
est un critère de niveau de développement, baisse en France. « Le constat établi par l’Insee dans son bilan
démographique de l’année 2015 fait état d’une perte de 0,3 année
d’espérance de vie pour les hommes et 0,4 pour les femmes », Libération,
16 janvier 2016 http://www.liberation.fr/france/2016/01/19/l-esperance-de-vie-baisse-pour-la-premiere-fois-depuis-1969_1427531
[5] Bernard Conte, « La France en
marche vers le Tiers-Monde », http://blog-conte.blogspot.fr/2013/03/la-france-en-marche-vers-le-tiers-monde.html , 16 mars 2013 et « L’avenir sombre
de nos enfants et de nos petits enfants », http://blog-conte.blogspot.fr/2013/06/lavenir-sombre-de-nos-enfants-et-de-nos.html 5 juin 2013.
[6] « Parce que les organismes
nationaux et internationaux améliorent continuellement leurs séries de données,
les données — y compris les valeurs de l’IDH et les rangs — présentées dans ce
rapport ne sont pas comparables à celles publiées dans les éditions
antérieures », RSDH, 2015, p. 203. Cet avertissement du PNUD ne semble pas
fondé pour les pays développés pour lesquels les données statistiques retenues
pour le calcul de l’IDH sont « fiables » depuis longtemps. La mise en
garde vise surtout éviter des comparaisons dans le temps comme celle qui est faite
dans cet article.
[7] « Le Royaume-Uni devant l'Allemagne en 2030 », Le Figaro, 27/12/2013, http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2013/12/27/20002-20131227ARTFIG00386-le-royaume-uni-devant-l-allemagne-en-2030.php
[8] Sur ce concept : Bernard Conte, La Tiers-Mondialisation de la planète, Bordeaux,
Presses universitaires de Bordeaux, 2ème édition, 2013.
[9] « Hollande,
Valls, Macron, Tapie... et le vote FN »,
La science au XXI siècle,
[10] « La théorie des choix publics [public choice] est un courant
économique qui décrit le rôle de l'État et le comportement des électeurs,
politiques et fonctionnaires. Elle entend ainsi appliquer la théorie économique
à la science politique. Le texte fondateur de ce courant
est The Calculus of
Consent publié en 1962 par James M. Buchanan (« Prix Nobel » d'économie 1986) et Gordon Tullock ». https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_des_choix_publics
[11] Déjà en 1975, un rapport de la
commission Trilatérale mettait en lumière « l’ingouvernabilité » des
démocraties occidentales dans lesquelles le développement de la démocratie a
entraîné un certain nombre de dysfonctionnements « suicidaires » qui
peuvent la conduire à sa perte. Parmi ces dysfonctionnements :
l’élargissement de la participation et l’intensification de l’engagement
politique ont multiplié les demandes adressées à l’État qui excèdent sa capacité à les satisfaire, créant une
« surcharge » par l’expansion incontrôlée de l’intervention publique,
exacerbant les tendances inflationnistes », voir : La Tiers-Mondialisation de la planète,
op. cit. p. 216-219.
[12] A propos du clientélisme appauvri :
Bernard Conte, Côte d’Ivoire :
clientélisme, ajustement et conflit, CED, Université Bordeaux IV,
DT/101/2004, http://ged.u-bordeaux4.fr/ceddt101.pdf
[13] Remise en cause réelle et non pas
fictive comme l’élection de candidats extrémistes (Front National).
[14] Concernant l’État, depuis 40 ans (1975), pas une seule année a vu un
budget excédentaire, ni en équilibre, http://fr.sputniknews.com/france/20151223/1020516796/france-budget-deficit-dette.html
[15] « Depuis dix ans,
la dette locale ne cesse d'augmenter : elle a atteint 141,5 milliards fin
2014, selon le dernier rapport de l'Observatoire des finances locales. Ce sont
les régions qui ont connu la plus forte hausse ces dernières années, au point
que leur stock de dette représentait fin 2014 presque l'équivalent d'une année
de recettes de fonctionnement (97 %). Un niveau supportable mais
conséquent. Et si les départements sont plus prudents (50,8 %), les
communes affichent aussi un ratio assez élevé (82 %) ».
Le Figaro, « La dette des collectivités grimpe », 16/07/2015, http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/07/16/20002-20150716ARTFIG00319-la-dette-des-collectivites-grimpe.php
[16] Christian
Morrisson, La faisabilité politique de
l’ajustement, Paris, Centre de développement de l’OCDE, Cahier de politique
économique n° 13, 1996, p.17.
[17] Voir, Bernard Conte, « La
Grèce préfigure la Tiers-Mondialisation de l’Europe »
[18] Ibidem, p. 18.
[19] Cf. à ce sujet, Pierre Bourdieu, « Stratégies
de reproduction et modes de domination ». In : Actes de la recherche en
sciences sociales. Vol. 105, décembre 1994. Stratégies
de reproduction et transmission des pouvoirs. pp. 3-12. doi :
10.3406/arss.1994.3118 http://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1994_num_105_1_3118
[20] La paupérisation implique l’euthanasie
des classes moyennes, cf. Bernard Conte, « Néolibéralisme et euthanasie
des classes moyennes », Comité Valmy, 31 décembre 2013, http://www.comite-valmy.org/spip.php?article933
[21] Sur le concept de soft
law : Filippa Chatzistavrou,
« L’usage du soft law dans le système juridique international
et ses implications sémantiques et pratiques sur la notion de règle de
droit », Le Portique [En ligne], 15 | 2005, mis
en ligne le 15 décembre 2007, consulté le 19 janvier 2016. URL : http://leportique.revues.org/591 .
[22] Bernard Conte, « Le néolibéralisme
et l’illusion démocratique », Le
Grand Soir, 6 novembre 2011. http://www.legrandsoir.info/le-neoliberalisme-et-l-illusion-democratique.html
[23] Cet effeuillage s’opère en vertu du principe de
subsidiarité qui présente une double dimension : verticale et horizontale,
cf. Bernard Conte, La Tiers-Mondialisation de la planète, Presses
universitaires de Bordeaux, 2013. p. 194-198.
[24] Il s’agit selon le terme anglais des
« stakeholders », c’est-à-dire des parties prenantes (ou
concernées) : associations « représentatives », société civile…
[26] « Après une
réunion avec François Hollande, Nicolas Sarkozy a affirmé son soutien au chef
de l'Etat et à la réforme de la Constitution. Le leader du parti Les
Républicains a assuré que son parti est "disposé" à voter cette réforme,
si elle est "clairement centrée sur la question de la
constitutionnalisation de l'état d'urgence et sur la question du retrait de la
nationalité pour les binationaux". Deux conditions que François Hollande a
assuré remplir auprès de l'ancien chef de l’État. http://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/etat-d-urgence-les-republicains-disposes-a-voter-la-reforme-de-la-constitution-740748.html 22/01/2016.
[27] Emmanuel Macron, «Nous devons être à la hauteur de l'état d'urgence
économique», Le Figaro, 06/01/2016, http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2016/01/06/20002-20160106ARTFIG00267-macron-nous-devons-etre-a-la-hauteur-de-l-etat-d-urgence-economique.php Par la
suite, François Hollande a décrété le 18 janvier « l’état d’urgence
économique et social », Sud Ouest,
http://www.sudouest.fr/2016/01/18/chomage-francois-hollande-decrete-l-etat-d-urgence-economique-et-social-2246318-5137.php
[28] Quand Emmanuel Macron fait l’apologie de
Margaret Thatcher : « Quand on compare [la France] avec
le Royaume-Uni dans les années 80, la grande différence est que nous n’avons
pas assuré [les réformes] à
l’époque. Les Français se rendent compte que les autres ont décidé de changer
et que nous sommes les seuls à ne pas réformer notre propre système. »
Regards.fr, 25/03/2015. http://www.regards.fr/web/article/emmanuel-macron-en-flagrant-delit
[29] Afp, 22/01/2016.
[30] La crise de 1998 en Indonésie
s’expliquerait par le système national de capitalisme de connivence mis en
place par Suharto. À noter que lorsque les intérêts du capitalisme global et du
capitalisme national indonésien ont divergé, le système s’est
« débarrassé » de Suharto devenu gênant.
Très éclairant.
RépondreSupprimerJ'attends les "réponses" aux questions soulevées avec grand intérêt.
J.P.
je trouve votre analyse percutante, à un détail près : le régime soviétique n'avait strictement aucun lien avec ce que vous appelez le capitalisme de connivence; il s'agissait d'un système productif dirigé par une administration d'Etat qui n'a pas su mettre en place des dispositifs permettant l'innovation et la croissance de la productivité).
RépondreSupprimer"La lutte doit porter sur les fondements de ce type de démocratie : changer la Constitution, élection par tirage au sort, reconnaissance du vote blanc, règles strictes sur le cumul des mandats, interdictions des navettes privé-politique-administration, etc…"
RépondreSupprimerMerci d'abord pour l'ensemble de l'analyse, vraiment très pointu. Quant aux recommandations formulées, je voudrais ajouter ce qui suit:
1) Il faut cesser d'utiliser le mot démocratie, qui désigne quelque chose de bien précis (une technique de désignation de représentants par tirage au sort découverte en Athènes à la fin du siècle VI), pour parler de la désignation de représentants par élection (technique banal utilisée depuis la nuit des temps et connue par les grecs sous le nom d'aristocratie).
2) Il faut changer la Constitution pour introduire le tirage au sort, peut-être comme alternative à l'élection, ce qui aurait l'avantage de permettre à tous et chacun de se reconnaitre dans un système qui assure le même poids politique à qui veut avoir une chance de parler par lui-même et à qui préfère choisir son représentant.
3) Il faut se concentrer sur le front principal et ne pas se laisser distraire par des combats mineurs: si, après la prise de conscience 1), nous arrivons un jour à 2), le problème du vote blanc ne se posera même pas.
Voilà un billet stimulant et qui donne belle matière à penser. Cela coïncide assez me semble-t-il avec les propos de Yannis Varoufakis qui, dans une conférence récente disait :
RépondreSupprimer« our liberal democracies today do not have their roots in ancient Athens. They have their roots in the Magna Carta (…) which was, after all, a charter for masters. And indeed, liberal democracy only surfaced when it was possible to separate fully the political sphere from the economic sphere, so as to confine the democratic process fully in the political sphere, leaving the economic sphere -- the corporate world, if you want -- as a democracy-free zone. (…) we need to reconfigure, we need to reunite the economic and the political spheres, but we'd better do it by democratizing the reunified sphere, lest we end up with a surveillance-mad hyperautocracy that makes The Matrix, the movie, look like a documentary.”
Sur notre système électif, tel qui fonctionne aujourd’hui dans l’hexagone je le définirai comme régime ploutocratique.
https://www.ted.com/talks/yanis_varoufakis_capitalism_will_eat_democracy_unless_we_speak_up?language=en
Tout cela est vrai...pour repartir d'un bon pied Annulons la dette et supprimons la loi de 1973..!
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