Hommage à Michel Zerbato
Michel : un exemple
d’intégration réussie
Né en
1947, Michel est un enfant d'immigrés italiens venus s'installer dans le Lot et
Garonne.
Il
faisait partie de ces enfants dits "précoces". Entré à l'école
communale à 4 ans en ne sachant parler que l'italien, il entre au collège à 10 ans, puis passe avec
succès le baccalauréat à l'aube de ses 17 ans.
Ses
parents le trouvant trop jeune (à 17 ans) pour être lâché seul à l'Université
de Bordeaux, ils l'envoient en pensionnat à Agen où il obtient un BTS de
comptabilité.
Deux
ans plus tard, il rejoint l'Université.
Au
départ Michel pensait devenir Expert-Comptable, mais il bifurque vers les
Sciences Economiques. Comme le dit Michel Cabannes : « Le choix de l’économie était pour lui un moyen de comprendre les ressorts
fondamentaux de la société et les bases des injustices sociales auxquelles il
était très attentif. C’était un vrai intellectuel qui prenait plaisir aux
discussions pouvant faire progresser la connaissance des mécanismes de la vie
sociale ». Michel ne quittera plus l’université de Bordeaux.
Sa carrière dans l’enseignement
Assistant après son DES, il soutiendra par la suite une thèse de doctorat
d’État en sciences économiques et deviendra Maître de conférences. Au cours de
sa carrière, Michel enseignera la macroéconomie (il publie en 1996 un manuel :
Macroéconomie élémentaire), la microéconomie, les statistiques, …
Michel, un chercheur isolé dans un univers dominé par la pensée unique
« Inspiré
principalement par l’approche économique de Marx, Michel est pourtant devenu un
des meilleurs connaisseurs de Keynes, utilisant chez ce dernier, des apports
qui lui paraissaient compatibles avec ceux du premier. Il a mis un soin
particulier et même perfectionniste à
l’ouvrage collectif qu’il a dirigé : « Keynésianisme et sortie de
crise » [avec les contributions de ses amis : Alain Planche,
Michel Cabannes et Daniel Garcia], qui
lui tenait beaucoup à cœur. Il a fait de même pour son manuel « Macroéconomie » ».
Michel s’est aussi intéressé aux travaux de François Perroux dont il disait qu'il était l’économiste français qui aurait mérité le prix Nobel.
Concernant les équipes de recherche, Michel a participé activement
au séminaire Decta III de Frédéric Poulon qui lui a confié la direction
scientifique du séminaire de 1984-1985. Avec la disparition dudit séminaire
« esseulé à l'université Michel multiplie les contacts avec les
organisations, centres de recherches, et les interventions et conférences s’en
suivent ». Plus tard, Michel devient membre de l’équipe du CEAN (Centre
d’études d’Afrique noire) puis du LAM
(Laboratoire des Afriques dans le Monde, UMR5115 du CNRS) à
Sciences Po Bordeaux.
Michel, un provocateur ?
Michel aimait la discussion et le débat. D’abord
parce que cela lui permettait de clarifier ses idées. Ensuite parce qu’un peu
(parfois beaucoup) de provocation ne lui déplaisait pas. Daniel Garcia se
souvient que : « lors d’une
grève des assistants pour leur titularisation début des années 1970 il avait
affiché les portraits de Marx, Lénine, Staline et Mao dans la salle de réunion
des assistants. Dans une faculté de Droit et des Sciences Economiques !
Fureur des profs ! »
Cette discussion jamais interrompue lui
permettait de s’attaquer à l’idéologie dominante, à la philosophie idéaliste et
d’identifier les points sur lesquels la critique devait porter, en clair de faire
mal.
Il n’a pas épargné grand monde, certains de ses
collègues doivent s’en souvenir. Pour Michel un Intellectuel « c’est un
homme qui se bat dans la théorie ».
Une « maigre » reconnaissance de la part de l’Université
La structure a horreur des hétérodoxes et fait en
sorte de les marginaliser. Malgré tout, l’Université aura un geste (petit) de
reconnaissance en le faisant Chevalier des palmes académiques.
Michel un grand sportif
Michel a pratiqué le sport, avant
les années 1970, le basket- sport qui était très répandu dans le Lot et
Garonne. A partir de 1977 son ami Daniel Garcia l’a entraîné vers le cyclisme. Ensemble,
ils ont sillonné tout le sud du département et, en 1978, ils ont fait le
Bordeaux-Paris-Randonneur. Ils ont aussi effectué des randonnées en montagne
dont la Randonnée des Cols Pyrénéens (Pau -Luchon) avec les 4 grands cols. Avec
Daniel Garcia, Michel pratiquera le cyclisme pendant toutes les années 1980 et 1990.
Il fondera un club de cyclo, « les Randonneurs Ossalois »
dont il sera le président 39 ans durant.
Pour ses 50 ans il partira de Aas,
les Eaux Bonnes, jusqu’au nord de l’Italie dont sa famille est originaire sur
un vélo dont il avait fait émailler le cadre aux couleurs du drapeau italien.
Depuis qu’il était retiré à Aas il privilégiait le VTT.
Il était aussi un pratiquant assidu
de pétanque dans son village et surtout à Pau. Il jouait encore en janvier lors
des quelques jours de beau temps.
Michel un intellectuel bucolique
Michel n’était pas simplement un intellectuel. Ses
qualités de bricoleur étaient connues de tous ses amis. À Aas, il cultivait son
jardin : tomates dont il faisait du concentré et des confitures, pommes de
terre, salades… Chaque année, il revenait chez sa maman pour faire les confits.
Il n’hésitait pas non plus à aller « faire du bois » pour alimenter la
cheminée l’hiver. En somme, Michel était un intellectuel bien ancré dans ses
racines.
Pour nous, ses amis universitaires, Michel va nous manquer à la fois comme personnalité
attachante et comme stimulant intellectuel.
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