par Bernard CONTE (février 2024)
En économie, le passager
clandestin (resquilleur,
free rider) est un individu ou un groupe d’individus qui profite d’un
bien ou d’un service collectif sans le payer ou en le sous-payant, alors que le
coût est supporté par les autres membres de la collectivité. En France, l’aide
médicale de l’État (AME) est un exemple de dispositif qui officialise le
comportement de passager clandestin de la part des immigrants illégaux.
L’aide médicale de l’État
L’aide médicale de l’État (AME) est
« un dispositif permettant aux étrangers en situation irrégulière (ESI) de bénéficier d’un accès aux soins pour une
durée d’un an (renouvelable), sous conditions de résidence et de ressources ».
L’AME garantit aux étrangers en situation irrégulière « la
prise en charge gratuite de soins médicaux sous deux conditions : la résidence
irrégulière continue en France depuis plus de trois mois et des ressources
inférieures à un plafond, celui fixé pour l’éligibilité à la complémentaire
santé solidaire (809,90 € par mois pour une personne seule depuis avril 2023).
Elle ouvre droit, pour les personnes auxquelles le bénéfice de la prestation a
été accordé, à l’accès à un panier de soins et de services et à une prise en
charge à 100 % avec dispense d’avance de frais ».
Les conditions
« restrictives » de résidence et de ressources peuvent être aisément
contournées par le biais du dispositif concernant les « soins
urgents ». Par ailleurs, il faut savoir que « les étrangers en
situation régulière bénéficient de la protection universelle
maladie PUMA
(qui a remplacé la couverture maladie universelle, CMU).
Le dispositif des soins
« urgents
Les
conditions restrictives portant sur la résidence et les ressources ne
s’appliquent pas. « Si vous avez besoin de soins urgents et que vous
résidez en France de façon irrégulière mais que vous ne pouvez pas avoir l’AME
(parce que vous résidez depuis moins de trois mois en situation irrégulière ou
que vos ressources sont supérieures au plafond), vous pouvez bénéficier d’une
prise en charge de vos soins urgents à l’hôpital (hospitalisation ou
consultation en établissement de santé). Les demandeurs d’asile venant
d’arriver sur le territoire peuvent également bénéficier de la prise en charge
des soins urgents, durant le délai de trois mois où ils ne relèvent pas encore
de la protection universelle maladie ». En
fait, quiconque entre sur le territoire français bénéficie directement et
gratuitement des services de santé.
Néanmoins, il
y aurait des restrictions liées à l’urgence des soins. Quels sont les « soins
urgents » pris en charge ?
Officiellement, « il s’agit :
·
des soins dont l’absence mettrait en jeu le
pronostic vital ou pourrait conduire à l’altération grave et durable de votre
état de santé ou de celui d'un enfant à naître (sachant qu’une simple carie
peut entraîner une infection grave, voire généralisée…)
·
des soins destinés à éviter la propagation d’une
maladie à l’entourage ou à la collectivité (exemple : la tuberculose)(Covid,
grippe…)
·
de tous les soins d’une femme enceinte et d’un
nouveau-né : les examens de prévention réalisés pendant et après la grossesse,
l'accouchement
·
des interruptions de grossesse (volontaires ou
pour motif médical) ».
Les définitions précédentes
sont à large spectre. En fonction de leur interprétation et du contexte, il
apparaît que pratiquement toutes les affections deviennent urgentes. Ainsi, un
migrant est pratiquement pris en charge dès son arrivée sur le territoire dans
la quasi-totalité des cas de figure.
Les bénéficiaires de l’AME
Fin 2023, ce
dispositif concerne environ 466 000 bénéficiaires contre 316 314 à la fin de 2015 soit une augmentation de 47,3%. « Le
terme « bénéficiaires » de l’AME recouvre deux populations : les « assurés » et
les ayants-droits. Les « assurés » sont les personnes qui portent directement
les droits, les ayants-droits sont leurs enfants (mineurs et potentiellement
jusqu’à l’âge de 20 ans), leurs conjoints, partenaires de PACS ou concubins, ainsi
qu’une personne majeure « cohabitante » à charge. Les statistiques identifient
les bénéficiaires, les « assurés » et les ayants-droits dont les mineurs ».
« À la fin juin 2023,
près de 25% des bénéficiaires de l’AME étaient des mineurs de nationalité
étrangère, c’est-à-dire des personnes qui ne sont pas juridiquement des
étrangers en situation irrégulière ».
L’évolution par tranches d’âge
des bénéficiaires de l’AME entre la fin 2015 et la mi-2023 révèle des tendances
inattendues :
-
d’une part, la croissance modérée des personnes
en âge de travailler de 18 à 59 ans (+23%) ;
-
d’autre part, la forte augmentation des
bénéficiaires mineurs (+ 65%) et des personnes âgées de plus de 60 ans (+ 75%)
(tableau 3) ;
-
enfin, en outre-mer, bien que supérieures, les
tendances restent similaires, + 105% pour les personnes de 18 à 59 ans ; +
134% pour les mineurs et + 143% pour les plus de 60 ans (tableau 4).
À l’instar des tenants de la
pensée unique, il faudrait affirmer que les migrants viennent en France
principalement pour y travailler. Les chiffres indiquent le contraire. Pourquoi
les très jeunes et les vieux viennent-ils de plus en plus nombreux dans notre
pays ? Les raisons sont certainement à chercher ailleurs que dans la quête
d’un emploi.
Il est vrai que la France est
généreuse, « l’étendue des soins pris en charge, est notablement plus large que
celle assurée dans les autres pays européens pour les étrangers en situation
irrégulière ».
De plus, l’attrait du territoire se trouve renforcé par de nombreux dispositifs
d’aide pécuniaire ou en nature. À ce
propos, « sur 10 ans, des subventions aux associations d’aides aux migrants
multipliées par 3, contre un nombre de reconduites au frontière divisé par 3 ».
Ce faible taux d’éloignements, en réduisant le risque d’échec, rend l’immigration
illégale plus engageante.
Dans ce contexte, la théorie
du passager clandestin trouve une application évidente notamment à travers la
personne âgée migrant en France pour bénéficier des dispositifs de
l’État-providence sans aucune participation, passée ou à venir, à son
financement.
Le coût de l’AME
Selon la Direction de la sécurité sociale (DSS), le coût de l’AME était de
968 millions d’euros en 2022
contre 540 millions d’euros en 2009, c’est-à-dire une augmentation de 79,3%. Pour
d’autres, le coût annuel serait de 1,2milliards d’euros.
Les dépenses liées à l’AME augmentent
plus vite que les dépenses globales de santé. Le rapporteur Vincent Delahaye
estime pour l’année 2023 que le montant des dépenses de l’aide médicale d’État
affiche une hausse de 5,4 % alors que la croissance des dépenses de santé n’a été
que de 2%.
Le coût croissant de l’AME pose
question, d’autant plus que, toutes choses étant égales par ailleurs, la marée
migratoire vers la France restera caractérisée par des coefficients élevés. Cette
augmentation se trouve confortée par l’évolution de la structure par âge des
immigrants. En effet, les catégories de population - les mineurs à court-moyen
terme et les personnes âgées de façon permanente – ne sont pas susceptibles de
participer aux dépenses de santé à travers leurs cotisations sociales futures. En
conséquence, leur prise en charge se déroule à « fonds perdus », ce
qui alourdit inexorablement le fardeau des cotisants réels.
Dans un contexte de crise économique, de déficits publics exagérés, il
apparait que la soutenabilité politique de l’AME risque de devenir
problématique en dépit du battage médiatique en sa faveur. D’autant plus que
l’AME exerce un effet d’éviction, réel et surtout ressenti, sur certaines
catégories de population.
L’effet d’éviction de l’AME
Les politiques néolibérales de réduction du rôle de l’État, de
privatisation, de mise en concurrence des territoires… entraînent la réduction
des avantages sociaux, la hausse du chômage… et par la suite, l’extension de la
pauvreté. En France, depuis le milieu des années 2000, la pauvreté
repart à la hausse.
« La France compte 5,3
millions de pauvres si l’on fixe le seuil de pauvreté à 50 % du niveau de
vie médian (965 €) et 9,1 millions si l’on
utilise le seuil de 60 % (1 158 €), selon les données provisoires
2021 (dernière année disponible) de l’Insee. Dans le premier cas, le taux de
pauvreté est de 8,3 % et, dans le second, de 14,5 % ».
La grande majorité de ces pauvres ne sont pas des étrangers en situation
irrégulière ou régulière. Ils participent ou ont participé au financement de la
protection sociale et de l’État-providence en général. Il est compréhensible qu’un
sentiment d’abandon de la part de l’État et d’éviction au profit des migrants se
développe parmi eux, même s’il est injustifié.
Entrée libre
Pour une proportion grandissante
de la population, l’AME et le dispositif des « soins urgents », c’est
entrée libre, services gratuits à gogo avec, en sus, le sourire de la sécurité
sociale et l’interdiction d’aborder le sujet sous peine d’ostracisation.
L’ouverture des frontières aux
migrants sans contrôle pourrait conduire à de sérieux problèmes comme cela s’est
produit notamment en Afrique. La France
des droits de l’homme devient-elle la France des droits de l’autre ?
Idem. Les italiques sont de l’auteur.