Publié par Philippe Herlin | 1 sept. 2022
La mesure précise de l’inflation s’avère particulièrement importante dans la période actuelle. Les prix dérapent à un niveau jamais vu depuis des décennies. Les ménages et les entreprises doivent en avoir la meilleure perception possible afin d’ajuster leurs comportements. Malheureusement, les instituts statistiques nationaux ont tendance à minorer la hausse des prix pour sauver les apparences, et ceci au bénéfice de l’État, dont une grande partie des dépenses, notamment sociales, sont indexées sur l’évolution des prix. Nous avons déjà expliqué comment l’INSEE minore la hausse réelle des prix en France, en excluant quasiment le logement, qui ne pèse qu’à hauteur de 6% dans le "panier de la ménagère", et en inventant un très fumeux "effet qualité".
En cette période de fortes hausses des prix, un autre élément vient pervertir cette mesure : l’effet pondération. L’indice des prix à la consommation (IPC) est construit à partir d’un panier moyen censé représenter l’ensemble des Français, le "panier de la ménagère". Mais il faut savoir – c’est la subtilité capitale – que la composition et le poids des différents produits de ce panier ne sont modifiés qu’une fois par an. Il y a donc un effet retard conséquent. Comme l’explique cette note méthodologique, l’INSEE prend les pondérations de "l’année A-2, valorisées aux prix de décembre de l’année A-1 et éventuellement complétées par des corrections en volume entre l’année A-2 et A-1 [ce qui a été fait pour tenir compte de la crise sanitaire, mais bien imparfaitement]." Quand il s’agit de noyer le poisson, on peut compter sur notre institut national.
En ce moment, les Français se serrent la ceinture pour faire le plein de leurs voitures, payer le gaz ou le fioul pour le chauffage, et l’électricité (qui n’augmente cependant que de 4% cette année grâce au bouclier tarifaire). Le poste "énergie" augmente soudainement dans leur budget, mais cela ne se reflète pas dans l’IPC, qui garde la même pondération pour ce poste : 8,86% en juillet 2022, après 8,08% en juillet 2020, 7,48% en juillet 2017, 8,68% en juillet 2012 ; nous sommes toujours dans la tendance historique. Idem pour l’alimentation, également touchée de plein fouet par les hausses de prix.
Nous avons une pondération qui date du "monde d’avant" et qui ne correspond pas à la réalité que vivent les Français. Nous avons assisté au même phénomène en 2020, durant les confinements : les prix des carburants et des transports baissaient, mais les ménages n’en profitaient pas puisqu’ils étaient confinés ou sous couvre-feu ! Qu’à cela ne tienne, l’inflation affichait un taux très faible, alors que les dépenses alimentaires, elles, progressaient (plus de cantine à l’école ou au travail) sans que ce surcoût n’apparaisse.
Cette pondération qui s’adapte bien trop lentement, et l’effet retard qu’elle implique, s’avère bien pratique pour écrêter les fortes hausses des prix, les pics d’inflation, sur le dos du consommateur. Certes, si la hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation continue l’année prochaine (c’est plus que probable), l’INSEE devra modifier sa pondération (dans le secret de ses bureaux car la transparence de l’organisme public est proche de zéro), mais cela laisse du temps, y compris pour trouver d’autres subterfuges. C’est sans doute trop demander à l’INSEE d’adapter son panier tous les mois ou tous les trimestres…
Ainsi, l’inflation réelle s’affiche à un taux bien supérieur aux communiqués officiels. On s’en doutait, les soi-disant 6% d’inflation annuelle actuels relèvent juste d’une bonne blague.
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