Naomi Klein, l'altercapitalisme et l'opposition subventionnée
par Nicolas Casaux
Note : en 2011, j'avais écrit : Démasquer les Insiders!
Naomi Klein est une grande célébrité dans le milieu « altermondialiste » — composé de ceux qui, au lieu d’envisager une alternative à la mondialisation, croient ou espèrent qu’une mondialisation alternative est possible, une autre civilisation techno-industrielle mondialisée, un autre système économique global (un autre capitalisme) : démocratique et bio.
Jusqu’à tout récemment, et depuis 2011, Klein siégeait au conseil d’administration de l’ONG 350.org, une ONG internationale créée de toutes pièces grâce à l’argent des Rockefeller, qui constituent une des plus célèbres familles de « philanthropes », et plus précisément grâce à l’argent du Rockefeller Brothers Fund[1]. Son financement dépend aujourd’hui majoritairement de fondations privées[2], dont la Schmidt Family Foundation (fondation privée créée en 2006 par Eric Schmidt, président exécutif de Google, et son épouse Wendy Schmidt), la ClimateWorks Foundation, une fondation qui regroupe, entre autres, la David and Lucile Packard Foundation, la William and Flora Hewlett Foundation (HP, ça vous dit quelque chose ? Hewlett-Packard, une des principales multinationales de l’informatique) et la Ford Foundation (Ford, tout le monde connaît) ; le Clowes Fund, Inc., lié à la Eli Lilly and Company, une immense multinationale de l’industrie pharmaceutique (le Prozac, c’est elle), 10e groupe pharmaceutique mondial par son chiffre d’affaires ; la Silicon Valley Community Foundation, dont les membres du conseil d’administration travaillent chez Microsoft, eBay, Electronic Arts, etc. ; le New Venture Fund, une fondation financée, entre autres, par la Rockefeller Foundation, par la fondation de Bill & Melinda Gates, par la Ikea Foundation, etc. ; la Overbrook Foundation, créée et encore dirigée par la famille Altschul, dont l’actuel président, Arthur Altschul Jr., a travaillé, comme son père avant lui, pour Goldman Sachs, et pour un paquet de multinationales américaines dans le secteur de l’industrie pharmaceutique, de la banque, etc. ; la Tides Foundation, qui reçoit de l’argent de Warren Buffett, un des hommes les plus riches du monde, qui possède des investissements dans à peu près toutes les industries du monde, et aussi de George Soros, un autre milliardaire américain ; et de bien d’autres fondations liées à bien d’autres industries et à bien d’autres magnats de la finance.
Bref, 350 fait partie de ces ONG financées par des gros sous, étatiques ou entrepreneuriaux. Un large pan de l’altermondialisme dépend d’ailleurs de ces mêmes gros sous. Pourquoi ne pas financer une opposition aussi inoffensive ? C’est du pain béni. Ils se contentent de réclamer des injustices un peu moins injustes (« réduire les écarts de salaire », « rehausser le SMIC », « Restaurer et moderniser l’ISF », « Imposer les multinationales », etc.), une servitude totale (« un emploi pour toutes et tous[3] », des « emplois verts », etc.), ils sont rigoureusement non-violents… non, vraiment, c’est excellent.
Début 2019, Naomi Klein s’est entretenue avec Stephen Heinz, « le président visionnaire du Rockefeller Brothers Fund », qui finance l’ONG de Klein (350). Lors de leur échange cordial, amical (entre patron et employée), intitulé « Dialogue sur la démocratie et la capitalisme[4] », Heinz a entre autres affirmé : « Nous pouvons être à la fois de bons gestionnaires du capital et aussi de ce que les dollars font. » Klein a fait remarquer que la philanthropie, dans certains cas, entrave le changement en sous-finançant les organisations qui remettent en cause les systèmes économiques dominants. « Ce n’est pas que la philanthropie n’a pas de rôle à jouer », a‑t-elle déclaré, « mais comment les subventions peuvent-elles encourager plus de démocratie et d’équité ? Comment financer les personnes qui réclament un changement systémique plutôt que celles qui pratiquent l’incrémentalisme ? »
Car bien entendu, les plaidoyers en faveur du « changement systémique » que Klein appelle de ses vœux, qui consiste en des inégalités moins inégales, des injustices moins injustes, des emplois pour toutes et tous et plus verts (quel incroyable changement systémique), ont besoin d’être hautement financés par le capital !
Heinz a également noté que les défauts du capitalisme avaient été mentionnés lors du forum de Davos de cette année. « Les gens reconnaissent qu’il y a quelque chose de fondamentalement défectueux dans la façon dont le capitalisme est pratiqué aujourd’hui », a‑t-il dit. « C’est une grande opportunité. Les gens reconnaissent que les choses ne vont pas et que nous devons travailler ensemble de manière démocratique pour un avenir meilleur. » Il a également affirmé : « Je ne suggère certainement pas que nous devrions nous débarrasser du système du marché lui-même — ni du système de l’État-nation ou de la démocratie, d’ailleurs. Ce que je pense qu’il faut rejeter, c’est l’interprétation néolibérale du système du marché. » Il s’agit en effet, selon Heinz, de « changer la pratique du capitalisme lui-même ». Bref, un autre capitalisme est possible, vert et qui nous exploite (emploie) tous, et nous rétribue un peu moins mal.
Si toi aussi tu veux militer pour ça, tu
pourras peut-être obtenir une subvention des Rockefeller, ou de l’AFD
ou de France Télévisions pour réaliser un documentaire super
enthousiasmant (comme Cyril Dion). N’hésite pas à leur envoyer ton CV.
Ci-dessus, Naomi Klein prend la pose, pour la promotion de son livre This Changes Everything (paru en français sous le titre Tout peut changer), avec Angel Gurria, ministre des affaires étrangères du Mexique de décembre 1994 à janvier 1998, puis ministre des finances de janvier 1998 à décembre 2000, ennemi de longue date des zapatistes et actuel Secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). (Il y a quelques années, Klein était prise en photo aux côtés du sous-commandant Marcos. Aujourd’hui, c’est aux côtés de son ennemi juré. Voilà un « changement systémique ».)
Ci-dessus, Naomi Klein prend la pose, pour la promotion de son livre This Changes Everything (paru en français sous le titre Tout peut changer), avec Angel Gurria, ministre des affaires étrangères du Mexique de décembre 1994 à janvier 1998, puis ministre des finances de janvier 1998 à décembre 2000, ennemi de longue date des zapatistes et actuel Secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). (Il y a quelques années, Klein était prise en photo aux côtés du sous-commandant Marcos. Aujourd’hui, c’est aux côtés de son ennemi juré. Voilà un « changement systémique ».)
Ci-dessus, Susan Rockefeller prend la pose, toujours pour la promotion du livre This Changes Everything de Klein. En 2015, Avi Lewis, le mari de Naomi Klein, a réalisé un film documentaire pour aller avec ce livre de Klein, également intitulé This Changes Everything. Documentaire qui a entre autres compté, parmi ses producteurs et coproducteurs exécutifs : Pamela Anderson, Danni Glover et Susan Rockefeller. Documentaire qui a également été financé grâce à d’importantes donations de la part de la Schmidt Family Foundation [fondation privée créée en 2006 par Eric Schmidt, président exécutif de Google, et son épouse Wendy Schmidt], de la Fondation Ford, du Rockefeller Brothers Fund, etc.[5]
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