Proposition
n°2 : Une gestion collective et transparente de la rente foncière
Cette proposition n’est pas
« symbolique », il s’agit d’une proposition majeure capable de
changer la gouvernance locale qui, bien souvent, est quasi-féodale : une
minorité instrumentalise à son profit la rente,
principalement foncière, dans le
cadre d’un système de type clientéliste.
La
rente : un « surprofit » non justifié
La rente est liée à une rareté naturelle
(Cf. Ricardo) ou le
plus souvent artificielle d’une ressource, c’est-à-dire à une logique de
raréfaction de cette ressource, comme dans le cas d’une position de monopole.
Par exemple, on parle de rente pétrolière : le coût
d’extraction du baril de pétrole varie de quelques dollars en Irak à plusieurs
dizaines de dollars (40$ environ) pour
les sables bitumeux. Le prix de vente du baril sur le marché tourne
actuellement autour de 100$. Le profit généré par la vente d’un baril de
pétrole apparaît différencié selon sa provenance, mais il reste très élevé par
rapport aux coûts de production. Ce « surprofit »
peut être qualifié de rente. La rente peut émaner de la qualité de la terre
agricole avec des rendements différents, de
la situation de terrains et/ou d’immeubles « bien placés », de
l’existence de minerais, de minéraux, d’énergie, … mais aussi de situations
dominantes (électricité, gaz, télécommunications, pharmacie, autoroutes…) qui
permettent d’imposer des prix élevés.
La rente repose sur des formes de propriété
et de position dominante de type monopolistique qui permettent de créer
une rareté et d’imposer des prix plus élevés que ceux justifiés par les
coûts de production, et cela grâce notamment à des arrangements
institutionnels comme le montre, par exemple, aujourd’hui la politique de
renforcement de droits de propriété intellectuels.
En
France, « la rente
foncière engendrée par l'urbanisation et les effets d'agglomération est, de très
loin, la plus importante de toutes les rentes. Elle renchérit de quelques
centaines de milliards chaque année le prix du foncier bâti ou bâtissable. Et
cela sans que les propriétaires du sol aient fait quoi que ce soit pour mériter
cet enrichissement qui tombe du ciel ».
La rente foncière apparaît comme une manne dont
la génération et l’appropriation suscitent la mise en œuvre de stratégies
spécifiques par différents acteurs incluant la classe politique qui joue un
rôle clé.
Quel
est le lien entre la rente et la classe politique ?
Les
liens entre la classe politique et la rente sont analysés par l’école
néolibérale des Choix publics (Public
Choice) à travers la théorie de la recherche de
rente (rent seeking). « La rente visée par
le terme recherche de rente est fortement liée à une régulation
politique. Ce qui caractérise la recherche de rente est l’utilisation de moyens
d’influence légaux ou illégaux pour pousser un pouvoir politique à prendre des
décisions créant ou contribuant à créer ou à maintenir une rente pour des
intérêts économiques privés au détriment de l'intérêt général objectif ».
Pour
les tenants de l’école des choix publics, les politiques publiques sont l’objet
d’un marché sur lequel s’échangent des ressources entre ceux qui orientent
l’action publique à différents niveaux (État, Région, département, commune) et
ceux qui en attendent des bénéfices. Le personnel politique joue un rôle majeur
dans la création et la distribution de la rente dans le cadre d’échange de
faveurs de type client – mécène (pour ne pas dire parrain). Les relations
client – mécène sont bi-univoques : le mécène peut « aider » le
politicien (client) à se faire élire, puis une fois élu, le politicien devient
mécène et assure des retours d’ascenseur…
Qu’en est-il au niveau
municipal ?
Le lien entre le personnel politique local et
la rente foncière se fait principalement à travers le tripotage législatif et
réglementaire. Un élu local peut jouer, de différentes manières, avec les règles d’urbanisme (PLU) pour générer et distribuer la rente
foncière.
Par exemple, il peut classer un terrain non
constructible (espace boisé à conserver,…) et une fois acquis par un
« client » à bon prix, ledit terrain est reclassé constructible, ce
qui dégage une rente (plus-value) importante au profit du « client – mécène
». Ce type de distribution de rente intervient généralement en respectant plus
ou moins les apparences réglementaires et sous couvert de mots d’ordre bien
pensés : sociaux (un pourcentage de logements sociaux…), écologiques (la
nécessaire densification de l’habitat urbain pour réduire les émissions de gaz
à effet de serre, par exemple…), etc.
Par exemple, la densification urbaine,
présentée comme souhaitable voire « inéluctable » car elle répond au
dogme de la croissance illimitée, constitue un facteur de majoration de la
rente foncière. Ainsi, la métropole
bordelaise devrait devenir millionnaire à l’horizon 2030, dans cette optique
Talence devrait gagner 7 000 habitants pour atteindre les 50 000
(pour information, Talence est actuellement la ville avec la densité
de population la plus importante de la Communauté urbaine de Bordeaux). Le
discours sur la densification, relayé par la quasi-totalité des forces
politiques, entretient à la hausse les anticipations sur les prix des agents
économiques et, par conséquent, leurs anticipations optimistes sur la
durabilité de la croissance de la rente foncière.
Un moyen très simple de distribuer de la rente
foncière est de vendre les terrains municipaux au tarif des domaines (sous-évalué) et d’en
acheter au prix du marché. C’est ce qui se passe chez nous
à Talence.
Les ventes de gré à gré (sans
appel d’offres et sans publicité) peuvent aussi être le vecteur de transfert de
la rente à la clientèle.
D’autres moyens plus sophistiqués de
distribution de la rente existent (cf. par exemple, le « Gaumont
au Safran »), mais j’arrête là mon énumération car elle est suffisante
pour montrer l’implication de la classe politique locale.
Une
nouvelle fois, on va m’accuser de discréditer la classe politique locale et
d’entonner le refrain : « tous pourris ! ». Non, pas du tout ! Dans un Conseil
municipal, il y a des « naïfs » qui font leur travail (bien le plus
souvent) sans se poser de questions, il y a ceux qui savent mais qui ferment
les yeux, ceux (une minorité) qui sont au cœur de la gestion « clientéliste »
de la rente et, enfin, ceux qui dénoncent, mais qui ne sont généralement pas
entendus car ils appartiennent à l’opposition et leur voix reste sans écho,
notamment médiatique.
Pour une gestion collective
et transparente de la rente
Selon James Buchanan, chef de file de l’école des
choix publics, pour améliorer la qualité de l’action publique, il faut améliorer
les règles du jeu et non pas les joueurs. Je ne partage pas totalement cette
opinion, car je pense qu’on peut aussi, dans une certaine mesure, améliorer les
joueurs, ne serait-ce qu’en les renouvelant régulièrement.
Changer les règles du jeu : on me rétorquera
que la modification de la législation n’est pas de la compétence locale. Rien
n’empêche, par exemple, que le futur maire s’engage formellement (par un écrit contractuel par exemple) à limiter au
maximum ou à supprimer toute vente de gré à gré. Rien n’empêche de concevoir et
de mettre en place un processus pour assurer une gestion collective et transparente de la rente foncière dans
l’intérêt général. C’est cela la démocratie participative, me
semble-t-il ?
Avez-vous d’autres idées ? N’hésitez pas à
les formuler !
Faire vivre la politique et non pas faire de la politique pour en vivre"...
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