Voici une revue des rapports entre islam et technologie par TomJo, à lire ici :
http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=847.
Le
transhumanisme islamique se développe en France, sur la toile. Le Pakistan
possède la « bombe atomique islamique ». La technocratie chiite iranienne l’aura
bientôt. L’Arabie et les Emirats développent les « technologies convergentes »
(NBIC) et les smart cities. L’Etat islamique (Daech) appelle les
ingénieurs et les spécialistes à le rejoindre de tout l’islam pour construire
son califat. Quoi de neuf ? A-t-on oublié que le premier soin de l’Algérie
indépendante avait été le développement conjoint de l’islam et de l’industrie ?
Que « l’âge d’or de l’islam » avait coincidé avec une floraison des sciences et
techniques, dont le fameux al-jabr (825) ?
Imaginons la Sainte
Inquisition catholique, échappée de son Moyen-Age, régnant sur un Etat
pontifical d’un milliard et demi d’habitants et de millions de kilomètres
carrés, forte des plus riches gisements pétroliers de la planète, employant son
trésor et sa puissance à répandre sa version terroriste, tyrannique et
totalitaire du christianisme. (cf. Histoire de l’Inquisition au
Moyen-Age. H. C. Lea. Editions Jerome Millon) Il y aurait des différences
cependant. Il n’y a pas « d’affaire Galilée » en Islam. Ni le Califat, ni les
plus obtuses instances islamiques n’ont persécuté les scientifiques. Les poètes
et les penseurs suffisaient à leur vindicte.
Et inversement, malgré les
bûchers de sorcières, l’Inquisition n’a pas réduit les femmes de la chrétienté à
la terrible condition des femmes d’islam. Mais peut-être s’agit-il là d’une
variation ethnique de la domination masculine. Les Européennes n’ont jamais
perdu cette liberté des Gauloises, des Germaines, des Vikings, attestée par les
chroniqueurs contemporains, les historiens latins et les sagas scandinaves, que
les Arabes, les Perses et les Turques n’ont jamais connue.
Nous,
mécréants, laïcards, franchouillards, etc., peinons à comprendre le phénomène
qualifié de « djihadisme », « islamisme », « intégrisme musulman », qui ravage
depuis des décennies, pays après pays, l’immense zone de culture islamique,
assassinant, massacrant, terrifiant ceux qui lui résistent ; exterminant toute
différence de conscience, d’opinion, de morale, de comportement.
Ce
fanatisme de la servitude (Islam, soumission) et de l’oppression, procède
d’une vérité révélée, c’est-à-dire irrationnelle, d’un pur arbitraire
imposé par la violence. Les Occidentaux sidérés par cette peste qui s’étend à
leurs pays se cherchent les torts et les crimes méritant pareil châtiment. Une
telle furie doit avoir de bonnes raisons, des explications, des excuses. Etant à
la fois rationalistes et chrétiens de culture ( péché, examen de conscience,
confession, contrition, etc.), ils trouvent évidemment ces raisons, ces
explications, ces excuses, humblement offertes à leurs ennemis. Nous payons,
selon nos directeurs de conscience, pour nos ancêtres (les croisades, les
colonies), pour nos classes dirigeantes ( guerres impérialistes, pillages
économiques), pour nos discriminations (racisme, « islamophobie »), d’où les
trombes de reproches et de repentance dont ils nous couvrent.
« Vous
avez appris qu’il a été dit : Œil pour œil, et dent pour dent. Mais moi, je vous
dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu’un te frappe sur la joue droite,
présente-lui aussi l’autre. » (Matthieu 5, 38)
La soumission au méchant
peut mener loin. Révoltés par la violence industrielle de la Grande Guerre, les
pacifistes des années trente (chrétiens, communistes, anti-militaristes,
anti-capitalistes), ne cessent de trouver des raisons, des explications, des
excuses à « la bête immonde ». C’était la faute du Traité de Versailles ; de
l’humiliation allemande ; des réparations de guerre ; de l’occupation de la
Ruhr ; des impérialistes français et anglais – et des juifs, naturellement (mais
vous pouvez dire Israël). Tout, plutôt que de reconnaître que le nazisme
allemand les avait choisis pour ennemis en dépit de leurs protestations
d’amitié, de leurs actes de contrition et de leurs plus abjectes concessions ;
et qu’il n’aurait de cesse que de les avoir anéantis.
On se fait de
l’islamisme aujourd’hui, la même idée fausse et mystifiée que du nazisme
autrefois : on les réduit à des mythomanies archaïques. On confond la propagande
idéologique avec l’actualité matérielle. Au-delà de ses Wahalla nébuleux, de son
primitivisme forestier et germanique, de ses défilés aux flambeaux et en
culottes de peaux, le nazisme allemand mobilisait une machine de guerre
scientifico-industrielle de premier ordre. De même le fascisme italien avec son
salut « à la romaine » et ses mises en scène « impériales », dignes des péplums
de Cinecitta. Les Etats et mouvements réactionnaires au plan social et humain,
sont aussi progressistes que les communistes et les démocrates au plan
scientifique et technologique. C’est normal, leur triomphe en dépend.
On
ne peut guère imaginer plus archaïque que la restauration d’un état disparu
depuis deux millénaires, dans le décor, la langue et les rites de l’Ancien
Testament. Les sonneries du shofar et les prières des rabbins n’y
auraient pas suffit. C’est grâce à la symbiose entre Tsahal et le Technion
Institute, au perpétuel va et vient d’ingénieurs et d’officiers entre l’une et
l’autre qu’Israël, la « start-up nation », produit les équipements high
tech qui lui permettent de contrôler Gaza et de résister à la douzaine de
pays arabes et/ou musulmans qui veulent sa peau. Dieu n’est plus avec les gros
bataillons, mais avec les bataillons technologiques.
Les flammes, les
sabres, les sourates, les cavaliers, les turbans, les barbes, les voiles et les
noirs étendards qui saturent la propagande islamique ne sont que des signes de
reconnaissance et des miroirs identitaires . Ce n’est pas de retour au désert,
sous la tente, avec leurs chameaux et leurs dattes que rêvent les islamistes,
mais de smart life dans une smart (islamic) city.
Les
sociologues relèvent une sur-représentation d’ingénieurs et de techniciens parmi
les djihadistes, plutôt que de philosophes, d’historiens, de représentants des
belles lettres et des sciences humaines et sociales. Cette disproportion se
retrouve dans les mouvements d’extrême-droite européens. Ce nouvel aspect de la
querelle entre Les deux cultures (C. P. Snow) trouve son explication dans
l’étude de Theodor Adorno sur La Personnalité autoritaire (1950).
Contrairement aux intellectuels, les bigots de la science et les techniciens du
sacré ont les réponses. Il suffit de se reporter au dogme établi. Ce sont
des hommes machines, incapables de pensée autonome - et donc horrifiés par la
pensée, saisis de vertige à l’idée de se pencher sur leur propre vide. Des
hommes d’action, avides de fonctionner, de remplir les rites et les
procédures pour combler leur gouffre intérieur et calmer leur panique. Dans le
camp de concentration comme dans la centrale nucléaire, il n’y a pas de
pourquoi ? Il n’y a que du comment ? « Hier ist kein
Warum », jette un gardien à Primo Levi qui lui demande pourquoi il n’a pas
le droit de regarder par la fenêtre de sa baraque. (Si c’est un homme)
C’est comme ça et ça ne peut être autrement.
L’homme, selon Jacques
Ellul, ne peut s’empêcher de sacraliser la puissance qui lui est extérieure. La
technique ayant détruit la nature, c’est la technique qu’il sacralise. (cf.
Le Système technicien) L’islam technolâtre et le transhumanisme
sacralisateur incarnent aujourd’hui les deux pôles de ce monde sans
pourquoi, mais saturé de comment où nous sommes condamnés à résister.
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