Voici un argumentaire du comité biterrois de résistance à propos de la destruction programmée du "seul" espace à peu près démocratique qui existe encore en France : la commune.
A méditer... à commenter !
MANIFESTE
CONTRE LA MORT PROGRAMMEE DES
COMMUNES
Le cas des communes naines
La grande
majorité des 343 communes de l’Hérault a moins de mille habitants. Les communes
de Montesquieu et de Boisset ne comptent respectivement que 65 et 26 habitants.
Dans ces conditions si les réformes territoriales ne visaient qu’au
regroupement des communes désertifiées par l’exode rural, le consensus serait
possible. A condition toutefois que la fusion soit librement consentie. Si, à
l’inverse, des petites communes jugent que leur petitesse comporte plus
d’avantages que d’inconvénients, au nom de quoi un État démocratique devrait-il
leur imposer une fusion ?
Soyons
lucides: ce qui motive les réformes territoriales ce n’est nullement le sort
des communes naines puisque même les géantes (Lyon, Marseille, Paris) sont jugées
trop petites. Exemple : malgré
l’opposition de la grande majorité des mairies concernées, le gouvernement exige
la constitution d’une métropole marseillaise qui engloutira la quasi-totalité
(1.800.000 habitants) du département des Bouches-du-Rhône. Ne resteront en
dehors de la métropole que les 172.000 culs-terreux des zones
rurales jugées arriérées: Camargue, Crau, Alpilles. L’espace rural, loin d’être le souci des législateurs, est au contraire
le grand oublié, le sacrifié de réformes qui visent uniquement à muscler
l’attractivité, la compétitivité des
villes géantes. Elles seules sont jugées capables de survivre dans la
jungle de la concurrence internationale.
Modalités de la mise à mort
Parce que les
citoyens et une partie des élus locaux refusent la mort des communes, le
législateur n’a pas osé les supprimer d’un seul coup. Il a rusé et manœuvré en
obligeant les communes à transférer
progressivement leurs compétences
à des structures supracommunales toujours plus vastes : communautés
d’agglomération, communautés urbaines, SCOT, métropoles… Du même coup on
multipliait les strates administratives et les coûts d’administration de ce
mille-feuille.
Très longue
est la liste des compétences transférées aux communautés d’agglomération par les communes membres sans la moindre consultation des citoyens. D’abord les compétences
obligatoirement transférées par la loi : développement économique,
aménagement de l’espace et transports,
politiques de l’habitat et de la ville. Les agglos s’attribuent aussi des compétences
« optionnelles » : voirie communautaire, eau potable et
traitement des eaux d’égout, collecte et traitement des déchets ménagers,
création d’équipements sportifs et culturels (médiathèque, piscines, grands
stades…). N’oublions pas les compétences « facultatives » et ajoutons-y
des compétences « complémentaires » : fourrière animale, gestion
du matériel pour les manifestations publiques, enseignement supérieur, abribus
et cars, tourisme, etc car cette liste
n’est pas exhaustive. Une loi toute récente dépouille les communes de
leur compétence PLU (plan local d’urbanisme) donc de leur maîtrise du sol,
déjà bien limitée par le SCOT. Quel
pouvoir reste-t-il aux communes ? Le jour est prochain où, n’ayant plus
rien à gérer, elles n’auront qu’à disparaître …
Une
réforme anticonstitutionnelle
Tout ce qui
précède est-il conforme à la
Constitution française, loi suprême de notre
république ? Non : son article 72
proclame que les collectivités territoriales « s’administrent
librement » et qu’ « aucune collectivité territoriale ne peut
exercer une tutelle sur une autre.» Or les communes n’ont plus les moyens de
s’administrer librement et sont désormais soumises à diverses tutelles : SCOT,
agglo aujourd’hui et métropole demain.
Supracommunalité et services publics
Les communes sont légalement
chargées de nombreux services publics locaux : fourniture d’eau potable et
épuration des eaux d’égout, collecte et traitement des déchets ménagers, etc. Le transfert de ces missions aux agglos et
autres structures supracommunales conduit à déléguer les services publics au
privé. Deux raisons à cela. : D’une part plus la collectivité grandit,
plus s’alourdit le travail de gestion pour les élus. Ils sont donc tentés de se
débarrasser de cette pesante corvée en la déléguant au privé. D’autre part, les
entreprises privées, peu intéressées par l’eau ou les déchets d’une petite
commune isolée sont au contraire alléchées par le juteux marché que constitue
un grand territoire supracommunal et elles sont alors toujours candidates pour
prendre la délégation de service public.
Or le marché des divers services
aux collectivités est désormais dominé par 2 multinationales très
puissantes : le groupe Suez et le groupe Véolia . Quand il ne reste plus
que 2 concurrents, la concurrence devient illusoire. Depuis longtemps Suez et
Véolia ne se concurrencent plus et ne cherchent même pas à dissimuler cette
complicité puisqu’elles ont des filiales communes. Les 2 complices forment un
monopole de fait qui a les moyens
d’imposer sa volonté et ses conditions à n’importe quelle collectivité. Circonstance
aggravante : Véolia et Suez ont une grande réputation de compétence. Elles
en abusent pour intimider les élus et leur faire adopter sans discussion tout
ce qu’elles veulent. Les élus ne
contrôlent plus leur délégataire : c’est le délégataire qui domine les élus
et leur impose les choix techniques et financiers les plus conformes à ses
intérêts privés. L’article 2 de la Constitution française définit la démocratie
« Gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». En
violation de ce principe s’instaure un gouvernement par les multinationales et
au profit des multinationales.
La commission de Bruxelles,
chargée de s’opposer aux « abus de position dominante », est inflexible
quand il s’agit de monopoles publics (EDF, GDF, la poste, la SNCF ) mais comme la
commission de Bruxelles est aussi, contradictoirement, désireuse de faire
émerger des champions européens industriels et bancaires, elle ferme les yeux
quand les monopoles sont privés. Le couple Véolia-Suez n’a rien à craindre de
Bruxelles.
Les communes foyers de résistance
Pour que les citoyens
participent, s’impliquent, interviennent, il faut que les organes du pouvoir
soient proches d’eux, ce qui n’est pas le cas dans une métropole ou une agglo.
Plus les organes de décision s’éloignent, plus les citoyens sont contraints de
déléguer leur pouvoir à des élus qui passent alors, comme on vient de le voir, sous
l’influence du monde des affaires. « Démocratie de proximité » est
une expression redondante, un pléonasme : il n’existe pas de démocratie
d’éloignement. Plus la commune est petite, plus les élus sont proches des
citoyens, sous leur influence et sous leur contrôle. Ils ne peuvent contrecarrer la volonté populaire. C’est
pourquoi, de tous les élus, les édiles locaux et notamment les maires, sont les
plus appréciés par les Français. En supprimant les communes, on supprimerait
les seuls élus encore populaires, les seuls véritables représentants du peuple.
Parce que la commune est la collectivité la plus propice à la participation
citoyenne, au contrôle des élus par les électeurs, la structure la plus
favorable à la souveraineté populaire, la commune peut être un bastion de
résistance aux politiques régressives décidées à Bruxelles ou à Paris par des
politiciens soumis aux industriels et aux banquiers. Mobilisons pour la défense
et l’autonomie des communes contre les
lois centralisatrices.
Autonomie et coopération
Nul ne nie que les communes aient
parfois besoin de se concerter et d’agir ensemble soit pour organiser entre
elles un réseau de transports en commun soit pour financer et gérer un gros
équipement intercommunal. Vive une telle
coopération si les communes membres conservent toutes leurs compétences
et si les décisions sont prises à l’unanimité. En revanche il faut refuser le
dangereux engrenage qui consiste pour une commune à se dépouiller de ses
compétences pour les transférer à un grand organisme placé au-dessus d’elle, où
les décisions sont prises à la majorité et qui peut donc imposer aux communes
membres ce qu’elles ne veulent pas. Quand la Communauté
d’agglomération Béziers Méditerranée a décidé de créer un impôt agglo,
quelques-unes seulement parmi les communes membres ont organisé une
consultation de leur conseil municipal sur ce point pourtant capital. Le maire
de Cers entre autres a refusé de soumettre cette question au vote de son conseil municipal (il n’y
était pas légalement obligé !) et les représentants de Cers à l’agglo ont
donc voté la création de ce nouvel impôt sans en avoir reçu mandat de leur
commune ! La coopération
intercommunale ou intercommunalité, oui, mais la supracommunalité, non !
Conclusion
Le marché unique européen sans
frontières intérieures, en détruisant toutes les protections frontalières, ne
favorise pas seulement tous les trafics (fuite de capitaux, évasion fiscale,
délocalisation d’entreprises, flux migratoires sauvages et ingérables) ;
il ne nous impose pas seulement, pour sauver sa monnaie, l’euro, une austérité
calamiteuse, il a aussi provoqué une course au gigantisme qui démolit notre
organisation territoriale, délègue au privé nos services publics locaux,
empêche la démocratie participative, distend les liens de confiance qui
existaient entre électeurs et élus, aggrave dangereusement la crise de la
représentation.
Jusqu’ici les élus, dans leur
immense majorité, ont accepté toutes les structures supracommunales et voté
tous les transferts de compétences, condamnant à mort les communes. Certains
élus commencent à regimber. Ceux-là peuvent compter sur notre soutien. Les
autres vont-ils continuer, en creusant
la tombe des communes, à creuser leur propre tombe d’élus ? Ou
vont-ils enfin, à l’occasion des prochaines élections municipales, se ressaisir
et changer de cap ?
Comité biterrois de résistance 1
bis rue Auber 34500 Béziers tél :
04 67 76 28 56
Faire vivre la politique et non pas faire de la politique pour en vivre"...
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