Économie politique Maître de conférences HDR honoraire [ex Université de Bordeaux , ex Sciences Po Bordeaux, ex Laboratoire les Afriques dans le Monde]
Ajustement
Sociétal : grandeur et décadence de la classe moyenne
à paraitre sous peu, voici l'introduction:
Le développement d’une classe
moyenne nombreuse au Nord apparaît caractéristique de la période des Trente glorieuses et son émergence au
Sud coïncide avec la phase développementaliste.
L’apparition et la
densification de la classe moyenne sont des éléments majeurs de l’ajustement
structurel fordiste. Le système dans sa version du capitalisme industriel va
engendrer un façonnage sociétal permettant à la fois l’expansion géographique
et l’intensification du capitalisme.
Pour paraphraser Max Weber, il
s’agit de diffuser le plus largement et le plus rapidement possible
« l’esprit du capitalisme » par le biais de la séduction et de la
subornation. Pour ce faire, le niveau de consommation de biens et services (consommation
de masse) doit être augmenté grâce à la redistribution des gains de
productivité (production de masse) et à l’action d’un État
« bienveillant ».
Le rôle de l’État apparaît
déterminant si bien que certains qualifient cette période de « capitalisme
régulé » inspiré par Keynes. Ainsi, l’État canaliserait le capitalisme
pour en éviter les travers les plus importants. Au contraire, je pense que
l’État est en permanence au service du système et les phases fordiste et
développementaliste n’échappent pas à la
règle. Ceci en contradiction avec la pensée dominante qui présente ces périodes
comme des victoires des opprimés sur les nantis.
Dans ce contexte, l’État
inscrirait son intervention dans le cadre de l’ajustement structurel fordiste (ou
fordiste-périphérique) voulu par le système. L’État-providence au Nord et
l’État développementaliste au Sud seraient les artisans façonnant les
structures sociétales selon les plans déterminés par le système de domination,
d’exploitation et de contrôle.
Au cours de cette phase, la
classe moyenne apparaît comme un paramètre majeur du changement structurel et
de l’évolution du capitalisme. Son développement est soutenu par l’État-providence au Nord et l’État nationaliste-clientéliste au Sud.
La crise du fordisme et du
développementalisme sera l’occasion d’un changement de version du système d’exploitation
pour laquelle la classe moyenne devient inutile et même coûteuse car elle obère
les possibilités de profit. En conséquence, grâce à l’État devenu malveillant, l’euthanasie
progressive de la classe moyenne s’imposera. Ainsi, le bâton succèdera-t-il à
la carotte.
Toujours en librairie : Le Règne machinal (la crise sanitaire et au-delà). Voir ici
A l’automne 2019, on nous pose la question suivante : « Que
pensez-vous du scénario de l’effondrement promu par les
"collapsologues", qui a le vent en poupe en ce moment ? »
On s’attelle à la réponse, parmi d’autres écrits et activités en cours.
Cette réponse prolifère en multiples rappels et remarques ayant trait à
la montée massive et multiforme de la conscience et de la contestation
naturiennes ; et à la montée en conséquence de toutes sortes d’épaves
politiques et intellectuelles, se flattant d’avoir soulevé cette crue,
s’étalant dessus et tâchant de la dévoyer ou de la renverser à leurs
fins propres.
L’arrivée du Virus, en février 2020, interrompt cet élan, pour nous lancer dans d’autres quêtes.
Un an plus tard, nous poursuivons cette réponse alors que les
dévoiements et les inversions se multiplient et s’amplifient de toutes
parts rendant plus que nécessaire le rappel des faits historiques. C’est
que toutes les « crises » convergent vers une crise principale, qui est
celle de la société industrielle, obligeant les faux amis et les vrais
ennemis de l’écologie radicale à occuper d’urgence cet immense champ de
manœuvres, afin d’y maintenir leur hégémonie et de récupérer, ou de
chasser, les révolutionnaires de notre temps : naturiens , luddites ,
briseurs de machines, anti-industriels et décroissants ; défenseurs des vivants politiques dans un monde vivant.
Tantôt les ennemis de la Nature tentent de nous faire prendre le drapeau
rouge, arc-en-ciel ou violet, pour le vert ; tantôt ils agitent le
drapeau vert pour combattre la nature et ses défenseurs. « L’écologie
n’appartient à personne ! » proclament ces post et néo-écologistes de la
vingt-cinquième heure. C’est pour eux une terra nullius, comme
l’Amérique autrefois et la Lune aujourd’hui. Moyennant quoi, ils
viennent chacun s’en approprier autant qu’ils peuvent, quitte à en
éliminer les Sélénites et Amérindiens. Après tout, ces derniers sont
également des colons ayant traversé le détroit de Béring voici 40 000
ans.
(...)
Pour lire le texte intégral, ouvrir le document ci-dessous.
Naomi
Klein est une grande célébrité dans le milieu « altermondialiste » —
composé de ceux qui, au lieu d’envisager une alternative à la
mondialisation, croient ou espèrent qu’une mondialisation alternative
est possible, une autre civilisation techno-industrielle mondialisée, un
autre système économique global (un autre capitalisme) : démocratique
et bio.
Jusqu’à tout récemment, et depuis 2011,
Klein siégeait au conseil d’administration de l’ONG 350.org, une ONG
internationale créée de toutes pièces grâce à l’argent des Rockefeller,
qui constituent une des plus célèbres familles de « philanthropes », et
plus précisément grâce à l’argent du Rockefeller Brothers Fund[1]. Son financement dépend aujourd’hui majoritairement de fondations privées[2],
dont la Schmidt Family Foundation (fondation privée créée en 2006 par
Eric Schmidt, président exécutif de Google, et son épouse Wendy
Schmidt), la ClimateWorks Foundation, une fondation qui regroupe, entre
autres, la David and Lucile Packard Foundation, la William and Flora
Hewlett Foundation (HP, ça vous dit quelque chose ? Hewlett-Packard, une
des principales multinationales de l’informatique) et la Ford
Foundation (Ford, tout le monde connaît) ; le Clowes Fund, Inc., lié à
la Eli Lilly and Company, une immense multinationale de l’industrie
pharmaceutique (le Prozac, c’est elle), 10e groupe pharmaceutique
mondial par son chiffre d’affaires ; la Silicon Valley Community
Foundation, dont les membres du conseil d’administration travaillent
chez Microsoft, eBay, Electronic Arts, etc. ; le New Venture Fund, une
fondation financée, entre autres, par la Rockefeller Foundation, par la
fondation de Bill & Melinda Gates, par la Ikea Foundation, etc. ; la
Overbrook Foundation, créée et encore dirigée par la famille Altschul,
dont l’actuel président, Arthur Altschul Jr., a travaillé, comme son
père avant lui, pour Goldman Sachs, et pour un paquet de multinationales
américaines dans le secteur de l’industrie pharmaceutique, de la
banque, etc. ; la Tides Foundation, qui reçoit de l’argent de Warren
Buffett, un des hommes les plus riches du monde, qui possède des
investissements dans à peu près toutes les industries du monde, et aussi
de George Soros, un autre milliardaire américain ; et de bien d’autres
fondations liées à bien d’autres industries et à bien d’autres magnats
de la finance.
Bref, 350 fait partie de ces ONG
financées par des gros sous, étatiques ou entrepreneuriaux. Un large pan
de l’altermondialisme dépend d’ailleurs de ces mêmes gros sous.
Pourquoi ne pas financer une opposition aussi inoffensive ? C’est du
pain béni. Ils se contentent de réclamer des injustices un peu moins
injustes (« réduire les écarts de salaire », « rehausser le SMIC »,
« Restaurer et moderniser l’ISF », « Imposer les multinationales »,
etc.), une servitude totale (« un emploi pour toutes et tous[3] », des « emplois verts », etc.), ils sont rigoureusement non-violents… non, vraiment, c’est excellent.
Début 2019, Naomi Klein s’est entretenue
avec Stephen Heinz, « le président visionnaire du Rockefeller Brothers
Fund », qui finance l’ONG de Klein (350). Lors de leur échange cordial,
amical (entre patron et employée), intitulé « Dialogue sur la démocratie
et la capitalisme[4]
», Heinz a entre autres affirmé : « Nous pouvons être à la fois de bons
gestionnaires du capital et aussi de ce que les dollars font. » Klein a
fait remarquer que la philanthropie, dans certains cas, entrave le
changement en sous-finançant les organisations qui remettent en cause
les systèmes économiques dominants. « Ce n’est pas que la philanthropie
n’a pas de rôle à jouer », a‑t-elle déclaré, « mais comment les
subventions peuvent-elles encourager plus de démocratie et d’équité ?
Comment financer les personnes qui réclament un changement systémique
plutôt que celles qui pratiquent l’incrémentalisme ? »
Car bien entendu, les plaidoyers en
faveur du « changement systémique » que Klein appelle de ses vœux, qui
consiste en des inégalités moins inégales, des injustices moins
injustes, des emplois pour toutes et tous et plus verts (quel incroyable
changement systémique), ont besoin d’être hautement financés par le
capital !
Heinz a également noté que les défauts
du capitalisme avaient été mentionnés lors du forum de Davos de cette
année. « Les gens reconnaissent qu’il y a quelque chose de
fondamentalement défectueux dans la façon dont le capitalisme est
pratiqué aujourd’hui », a‑t-il dit. « C’est une grande opportunité. Les
gens reconnaissent que les choses ne vont pas et que nous devons
travailler ensemble de manière démocratique pour un avenir meilleur. »
Il a également affirmé : « Je ne suggère certainement pas que nous
devrions nous débarrasser du système du marché lui-même — ni du système
de l’État-nation ou de la démocratie, d’ailleurs. Ce que je pense qu’il
faut rejeter, c’est l’interprétation néolibérale du système du marché. »
Il s’agit en effet, selon Heinz, de « changer la pratique du
capitalisme lui-même ». Bref, un autre capitalisme est possible, vert et
qui nous exploite (emploie) tous, et nous rétribue un peu moins mal.
Si toi aussi tu veux militer pour ça, tu
pourras peut-être obtenir une subvention des Rockefeller, ou de l’AFD
ou de France Télévisions pour réaliser un documentaire super
enthousiasmant (comme Cyril Dion). N’hésite pas à leur envoyer ton CV.
Ci-dessus, Naomi Klein prend la pose, pour la promotion de son livre This Changes Everything (paru en français sous le titre Tout peut changer),
avec Angel Gurria, ministre des affaires étrangères du Mexique de
décembre 1994 à janvier 1998, puis ministre des finances de janvier 1998
à décembre 2000, ennemi de longue date des zapatistes et actuel
Secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE). (Il y a quelques années, Klein était prise en photo
aux côtés du sous-commandant Marcos. Aujourd’hui, c’est aux côtés de son
ennemi juré. Voilà un « changement systémique ».)
Ci-dessus, Naomi Klein prend la pose, pour la promotion de son livre This Changes Everything (paru en français sous le titre Tout peut changer),
avec Angel Gurria, ministre des affaires étrangères du Mexique de
décembre 1994 à janvier 1998, puis ministre des finances de janvier 1998
à décembre 2000, ennemi de longue date des zapatistes et actuel
Secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE). (Il y a quelques années, Klein était prise en photo
aux côtés du sous-commandant Marcos. Aujourd’hui, c’est aux côtés de son
ennemi juré. Voilà un « changement systémique ».)
Ci-dessus, Susan Rockefeller prend la pose, toujours pour la promotion du livre This Changes Everything
de Klein. En 2015, Avi Lewis, le mari de Naomi Klein, a réalisé un film
documentaire pour aller avec ce livre de Klein, également intitulé This Changes Everything.
Documentaire qui a entre autres compté, parmi ses producteurs et
coproducteurs exécutifs : Pamela Anderson, Danni Glover et Susan
Rockefeller. Documentaire qui a également été financé grâce à
d’importantes donations de la part de la Schmidt Family Foundation
[fondation privée créée en 2006 par Eric Schmidt, président exécutif de
Google, et son épouse Wendy Schmidt], de la Fondation Ford, du
Rockefeller Brothers Fund, etc.[5]
Naomi Klein travaille, par ailleurs, pour un media numérique appelé The Intercept,
et financé par First Look Media, une compagnie de presse numérique
états-unienne créée par le milliardaire Pierre Omidyar, fondateur d’eBay
et « philanthrope » majeur. Si The Intercept publie
régulièrement des articles à charge contre le gouvernement états-unien,
de justes dénonciations de divers scandales, il s’agit au bout du compte
d’un média relativement classique, promouvant les idées usuelles de la
gauche ordinaire. (Un meilleur technocapitalisme est possible. En
élisant les bons chefs, en réduisant un peu les injustices, en
développant massivement les énergies renouvelables et en écartant les
énergies fossiles, nous pourrions parvenir au meilleur des mondes.)
Naomi Klein travaille, par ailleurs, pour un media numérique appelé The Intercept,
et financé par First Look Media, une compagnie de presse numérique
états-unienne créée par le milliardaire Pierre Omidyar, fondateur d’eBay
et « philanthrope » majeur. Si The Intercept publie
régulièrement des articles à charge contre le gouvernement états-unien,
de justes dénonciations de divers scandales, il s’agit au bout du compte
d’un média relativement classique, promouvant les idées usuelles de la
gauche ordinaire. (Un meilleur technocapitalisme est possible. En
élisant les bons chefs, en réduisant un peu les injustices, en
développant massivement les énergies renouvelables et en écartant les
énergies fossiles, nous pourrions parvenir au meilleur des mondes.)
Naomi Klein travaille, par ailleurs, pour un media numérique appelé The Intercept,
et financé par First Look Media, une compagnie de presse numérique
états-unienne créée par le milliardaire Pierre Omidyar, fondateur d’eBay
et « philanthrope » majeur. Si The Intercept publie
régulièrement des articles à charge contre le gouvernement états-unien,
de justes dénonciations de divers scandales, il s’agit au bout du compte
d’un média relativement classique, promouvant les idées usuelles de la
gauche ordinaire. (Un meilleur technocapitalisme est possible. En
élisant les bons chefs, en réduisant un peu les injustices, en
développant massivement les énergies renouvelables et en écartant les
énergies fossiles, nous pourrions parvenir au meilleur des mondes.)