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lundi 27 août 2018

France-Afrique. Ces drôles de prêts qui enchaînent les pays en développement (L’Humanité)


Offrir aux entreprises françaises des «  opportunités  » sonnantes et trébuchantes. C’est le principal objectif d’une politique d’aide au développement qui privilégie les grands projets d’infrastructures plutôt que les programmes utiles aux populations.
Tapis rouge et moiteur tropicale. Plus engoncé qu’à son habitude, comme mijotant dans son costume sombre, sous ces latitudes, Emmanuel Macron descend d’une rame du Sitarail, le train de Bolloré qui relie la Côte d’Ivoire au Burkina Faso voisin.
Le trajet fut bref, du Plateau, le quartier d’affaires d’Abidjan, à Treichville, sur l’autre rive de la lagune. Cette excursion, en compagnie de son homologue ivoirien, Alassane Ouattara, tenait lieu de pose de première pierre  : le président français, en marge du sommet Union Africaine-Union Européenne, donnait, le 30 novembre dernier, le coup d’envoi d’un chantier aussi démesuré que dispendieux  : celui du métro d’Abidjan.
«  La France vous a proposé une offre financière sans précédent. Avec 1,4 milliard d’euros, c’est l’effort le plus important que la France ait jamais réuni au démarrage d’un projet urbain à l’étranger  », plastronnait Macron. La conception, le financement, la réalisation et l’exploitation des 40 kilomètres de la ligne 1 du métro d’Abidjan avaient d’abord été confiés, en 2015, à un consortium que dominaient Hyundai Rotem et Dongsan, associés aux français Bouygues et Keolis (filiale de la SNCF).

 UN GÂTEAU GARGANTUESQUE
Mais à l’automne 2017, coup de théâtre  : ces firmes sud-coréennes, qui peinaient à boucler le montage financier, étaient éjectées au profit d’Alstom et Thalès. Entre-temps, Paris avait mis sur la table son enveloppe de 1,4 milliard d’euros pour «  sauver  », en le finançant à 100 %, le projet menacé d’enlisement.
Avec une condition  : des entreprises françaises devaient rafler seules ce gargantuesque gâteau. Satisfait de ce marché, le président Ouattara songe déjà à la deuxième ligne de métro  ; le fardeau de la dette n’a pas l’air d’alarmer l’ancien directeur Afrique du FMI, arrivé au pouvoir en 2011, au terme d’une violente crise post­électorale, sur le dos d’une rébellion armée appuyée par la force française Licorne.
Loin d’une quelconque démarche d’aide, le plan de «  soutien financier  » imaginé à Paris consiste pourtant essentiellement en des prêts souverains…
De quoi resserrer encore la tutelle économique et politique sur la Côte d’Ivoire. «  Si le pays enregistre un taux de croissance de l’ordre de 8 % (7,7 % en 2016), (…) le besoin en infrastructures, en couverture des besoins sociaux de base (éducation santé) et les récentes tensions militaires et budgétaires nécessitent un appui fort de la communauté internationale des bailleurs, au premier rang desquels la France.
La Côte d’Ivoire est redevenue éligible aux prêts souverains de l’AFD en décembre 2016 et continue d’être appuyée via les contrats de désendettement et de développement  », justifiait le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, le 10 octobre 2017.
Créés en 2001 pour matérialiser l’engagement des pays créanciers d’annuler les dettes bilatérales des pays ayant atteint le point d’achèvement de l’initiative «  pays pauvres très endettés  » (PPTE), les contrats de désendettement et de développement (C2D) offrent, pour Paris, une juteuse alternative à l’annulation «  sèche  » des dettes, converties cash, ici, en influence française.
Signés avec trois pays latino-américains et quinze pays d’Afrique, les C2D sont devenus l’outil privilégié de la politique d’aide publique au développement.
Ce dispositif, qui concerne un montant total de dette de 5,33 milliards d’euros, repose sur un mécanisme de refinancement par dons des échéances acquittées. En clair, Paris reverse aux pays débiteurs les sommes qu’ils ont remboursées, en fléchant ces fonds vers les «  projets de développement  » qu’elle juge les plus profitables à ses intérêts et, surtout, à ceux des grands groupes français.
Sans surprise, les principaux secteurs d’intervention sont les équipements et les infrastructures (25 %), les plus propices aux investissements français les plus rentables.

 DES LOGIQUES DE GUERRE ÉCONOMIQUE
Dans un rapport publié il y a deux ans pour tirer le bilan de ce dispositif, le Quai d’Orsay admet qu’il n’a «  pas permis de produire un effet notable sur la réduction du niveau d’endettement des pays bénéficiaires  ». Les C2D offrent en fait une parfaite illustration des logiques de rentabilité financière et de guerre économique qui guident désormais les politiques françaises d’aide au développement.
Opérateur pivot de l’aide publique au développement (APD), l’Agence française de développement (AFD), une agence de coopération qui s’est muée en banque, revendique elle-même une mission consistant à «  ouvrir des opportunités pour les entreprises françaises  ».
Conséquence de ces orientations  : la part des dons affectés à des programmes utiles aux populations se réduit comme peau de chagrin. «  Depuis 2006, les prêts dans l’APD française ont triplé de volume tandis que les subventions ont été divisées par deux, délaissant ainsi le soutien aux secteurs sociaux de base (santé, éducation, eau et assainissement, etc.) et les projets d’adaptation au changement climatique dans les pays les plus pauvres  », relevait le sénateur Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, dans une question écrite à Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères, le 12 juillet.
Sur les 9,4 milliards d’euros engagés en 2016 par l’AFD, 84 % l’ont été sous forme de prêts. De quoi verrouiller les rapports de dépendance que perpétue la dette des pays du Sud.
 Des sous contre les migrants, pas pour le développement
Le projet de cadre financier pluriannuel, le budget de l’Union européenne pour les prochaines années, présenté par la Commission européenne, prévoit pour la première fois de dépenser davantage d’argent pour la protection des frontières que pour l’aide publique au développement. Pour la période 2021-2027, 30,8 milliards d’euros devraient être alloués à la sécurisation des confins de l’Europe et à la gestion de la crise migratoire, relève le site Euractiv.fr, contre 28,3 milliards pour l’Afrique subsaharienne.
Rosa Moussaoui

Photo: Fraternité Matin.

Souvenir : L'Humanité du 2 juin 2006

 La tiers-mondialisation de la planète

Vendredi, 2 Juin, 2006
La mondialisation productive, financière et commerciale est une adaptation du système capitaliste à la crise qui le secoue depuis les années soixante-dix. Il s'agit de rétablir les profits pour rémunérer grassement les rentiers. Les performances récentes des entreprises multinationales en matière de profits record attestent de l'accélération de cette tendance.
Comment s'opère le « rétablissement » des profits ?
Le principe est simple : réduire les coûts et augmenter les marges. La réduction des coûts implique « l'euthanasie » de la classe moyenne. Au Nord développé, il s'agit de déconstruire l'État providence qui serait entre les mains de la classe moyenne qui utiliserait la dépense publique pour financer ses « privilèges ». Cette déconstruction passe par l'imposition du marché et la mise en concurrence des travailleurs du Nord entre eux (vieille Europe versus nouvelle), ainsi qu'avec ceux du Sud. Au Sud, il s'agit d'abattre les régimes « nationalistes » dont le clientélisme avait fait naître une élite politico-économique consommatrice de surplus. L'imposition du marché, la privatisation de l'État, le contrôle externe de la dépense publique dans le cadre de l'application du « consensus de Washington » permettent de réduire les coûts de fonctionnement du système. En fait, au Nord comme au Sud, l'objectif est la paupérisation de la classe moyenne pour aboutir à une société mondiale duale comportant un nombre limité de très riches et une grande majorité de pauvres. En somme, une société mondiale de type brésilien (parangon de l'économie sociale de marché).
L'augmentation des marges passe par la mobilisation et la création de rentes. D'une part, il s'agit de mobiliser la plus grande quantité possible des rentes issues des ressources naturelles (minerais, énergie, agriculture) en utilisant les dysfonctionnements d'un marché imposé, c'est-à-dire en profitant de l'asymétrie de puissance contractuelle entre les firmes multinationales et les producteurs. À cette fin, il est également possible d'utiliser la persuasion, des pressions politiques, la corruption, voire l'intervention militaire. D'autre part, on assiste à la création de rentes de marché, c'est-à-dire, grâce au marketing, à la mise sur le marché de biens ou services à un prix de vente sans aucun rapport avec leur coût de production. Seule la rente, liée au phénomène de marque, peut expliquer qu'un tee-shirt fabriqué au Sud soit vendu 30 à 40 fois plus cher que son coût de production sous prétexte qu'il arbore l'impression d'un logo. Il en est de même pour les services, notamment dans le domaine des logiciels ou du divertissement.
La réduction des coûts et l'augmentation des marges assurent l'explosion des profits, largement distribués aux rentiers dont Keynes souhaitait l'euthanasie pour assurer le plein-emploi.
La question qui se pose est de savoir pourquoi, tant au Nord qu'au Sud, les populations acceptent tant bien que mal ce processus de paupérisation du plus grand nombre.
La raison majeure réside dans la manipulation des mentalités en les dirigeant vers le consumérisme. L'individu doit être dégagé de toute conscience politique et avoir comme seule aspiration la consommation mimétique de biens et services sans cesse diversifiés.
Ce processus s'appuie sur un large investissement des multinationales dans le secteur des médias : il faut décérébrer partiellement l'individu pour le rendre disponible à la communication publicitaire vantant la consommation. Il convient aussi d'occuper la part restante de son esprit par des divertissements largement médiatisés (sport, variétés) pour qu'il se désintéresse de la chose politique, que les médias complices n'évoquent pas réellement. En fait, le slogan pourrait être : « Tuer l'esprit au profit du ventre ».
Cette voie consumériste implique la complicité des élites politiques gouvernantes ou susceptibles de gouverner. Ces élites sont pour la plupart intégrées dans le capitalisme multinational et l'on note un mouvement de va-et-vient entre le personnel politique et celui des firmes multinationales.
Au total, quelle société néolibérale mondiale pour demain ?
Au sommet, quelques multimilliardaires maîtrisent le système et se réunissent de temps à autre avec leurs complices politiques (les élites) pour veiller à sa stabilité et à son extension. À un niveau intermédiaire se situent les complices plus ou moins volontaires. D'une part, les chevilles ouvrières :
- managériales : les financiers, les ingénieurs, les commerciaux, les publicitaires... qui assurent le développement du système consumériste et la croissance des profits ;
- politiques : les élus de terrain qui gèrent le clientélisme de façon décentralisée pour la pérennité du système.
D'autre part, les bouffons grassement rémunérés du cirque médiatique qui vendent « l'opium » au peuple : journalistes (les « nouveaux chiens de garde »), artistes, sportifs... Les « restes » de la population seront cantonnés au rôle de « tube digestif » de moins en moins alimenté en nourriture vraie.
En définitive, la mondialisation néolibérale aura pour effet d'étendre le dualisme du tiers-monde à l'ensemble de la planète.
Par Bernard Conte, économiste, membre du Centre d'études d'Afrique noire (CEAN), Institut d'études politiques de Bordeaux.

samedi 25 août 2018

Conférence à Talence le 18 septembre : Les violences en couple


tƐg – Talence Conférence


Les violences
en couple
Corinne AimÉ
Présidente de « La maison de Simone »,
Structure pessacaise de lutte contre les violences faites aux femmes
(Thèmes abordées : histoire, fonctionnement, difficultés, perspectives…)

Introduction
Catherine Allemandou
Membre du CA de La maison de Simone
Présentation de données générales sur un phénomène qui dépasse la sphère privée et déborde sur la sphère publique.
Nécessité de réponses militantes et de  réactions des pouvoirs publics.

Organisation et animation

Bernard Conte
Économiste – Les Afriques dans le monde (LAM) – SciencesPo Bordeaux

Mardi 18 septembre - 20h30
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Talence - auditorium du Forum des Arts et de la Culture
Place Alcala de Henares – À côté de la librairie Georges
Centre ville de Talence
Tramway ligne B – station Forum
Contact : 06 98 52 99 78 - bconte@free.fr