Ecrit en décembre 2012
La Tiers-Mondialisation (5)
Comment sortir de la crise ?
Peut-on simplement se contenter de retourner le sablier pour en
sortir?
Pour sortir de la crise, d’aucuns
proposent simplement de retourner le sablier. Ils veulent re-coupler les zones
géographiques de production et de consommation. Au Nord, il s’agit de
démondialiser[1],
de relocaliser les productions, sur une base communautaire (Europe) ou
nationale, de revenir sur le partage de la valeur ajoutée… Il faut, notamment grâce
au protectionnisme, organiser le retour à la « pureté » du fordisme
initial en autocentrant la croissance sur le marché intérieur.
Après les Trente glorieuses des
financiers, les nouveaux « sauveurs » du capitalisme souhaitent redémarrer
une période de Trente glorieuses des salariés. L’idée sous-jacente est
celle de l’existence de cycles économiques d’expansion –contraction, de
mondialisation – démondialisation. Le débat entre les néolibéraux et les néo-keynésiens
semble principalement porter sur le partage de la valeur ajoutée : plus ou
moins pour les salaires et plus ou moins pour les profits. En fait, il
suffirait de repositionner le curseur pour résoudre la crise.
Cet éventuel retour au fordisme
soulève un certain nombre de questions notamment liées à l’écologie, aux
ressources naturelles… car les conditions actuelles diffèrent de celles d’après-guerre.
S’il est évident qu’il faille privilégier
le retour à un développement plus autocentré, il convient de s’interroger sur
le contenu du processus. À ce propos, les enseignements des pionniers de la
pensée du développement peuvent nourrir la réflexion.
Pour
sortir de la Tiers-mondialisation, il faut supprimer la domination de la finance
Après la deuxième guerre mondiale,
de nombreux économistes, structuralistes ou plus radicaux, se sont intéressés à
la définition du sous-développement ainsi qu’aux voies et moyens d’en sortir.
Comme la Tiers-mondialisation peut être assimilée, d’une certaine manière, à un
retour à un état de sous-développement, il apparaît judicieux de revisiter
certaines thèses défendues par les économistes du développement.
En s’inspirant de l’analyse du
sous-développement de François Perroux, on peut percevoir le phénomène de la
Tiers-mondialisation comme le résultat d’une dynamique de
domination[2].
Pour Perroux, le sous-développement était principalement engendré par la
domination coloniale ou néocoloniale. De façon similaire, la
Tiers-mondialisation est le produit de la domination du capitalisme
financiarisé, qui désarticule les structures économiques, sociales,
institutionnelles et politiques de l’ancienne configuration (le libéralisme
régulé[3])
et les réarrange dans une configuration « nouvelle » fondée sur une
base géographique plus vaste, en vue de la maximisation des profits.
Pour sortir de la Tiers-mondialisation, il faut en supprimer la cause
première, c’est-à-dire la domination de la finance et l’appareil de contrainte
qui lui est associé. Il ne s’agit pas simplement de tenter d’atténuer ou de
réduire cette domination, par exemple avec des mesures du type taxe Tobin sur
les transactions financières, il convient de la rejeter pleinement. À cette fin,
tout un arsenal de mesures est à disposition. Il comporte notamment la reprise
en main, par les États, de leur souveraineté monétaire. Il faut aussi se
dégager de l’appareil de contrainte qui impose la domination de la finance. Cela
signifie, au moins dans un premier temps, la désobéissance aux traités, aux
lois et aux règles qui régissent le système d’exploitation – sujétion
néolibéral. L’objectif est d’organiser la déconnexion[4]
d’avec ledit système. Cette démarche sera facilitée si elle s’opère, non plus
sur un socle national, mais sur celui d’un regroupement régional.
Etant donné que « la forme essentielle de la domination dans notre
société repose sur la capacité organisationnelle de l’élite dominante, laquelle
va de pair avec sa capacité à désorganiser les groupes sociaux[5] »,
une restructuration s’impose.
[1] Sur le concept de démondialisation,
voir : Walden Bello, Deglobalization : ideas for a new world
economy, Londres et New York, Zed Books, 2002 - Jacques Sapir, La
démondialisation, Paris, Seuil, 2010.
[2] Pour Perroux, « L’effet de domination est la relation entre inégaux
qui se constate entre agents, entreprises et nations. Cet effet est lié non
seulement à la dimension de la dotation initiale des biens mais aussi au
pouvoir de négociation (ou de transformation des règles du jeu), à la nature de
l’activité ou à l’appartenance à une zone d’activité dominante », Hector Guillem Romo,
« François Perroux : Pionnier oublié de l’économie du développement »,
Colloque : Economie politique internationale
et nouvelles régulations de la mondialisation, Poitiers 14-15 mai 2009,
p.11.
[3] Il s’agit du fordisme au Nord et du
nationalisme - clientéliste au Sud, cf. chapitre 2.
[4] Voir la thèse radicale de Samir Amin, La
déconnexion, cf. bibliographie.
[5] Manuel Castells, L’ère de
l’information, Vol. 1, La société en réseaux, Paris, Fayard, 1998, p.
467.
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